
A Versailles, Jean-Louis Martinelli réveille « L’Avare » et son intelligence
Coup gagnant pour cette mise en scène pas farcesque, pas précipitée, du classique de Molière. En se plaçant au niveau des mots et de leur concret, Jean-Louis Martinelli convoque le côté sobre de cette comédie. Et l’humour, lui, vient tout seul. Quelques piétinements ne gâchent pas le plaisir qu’on prend. Une création en coproduction avec le Théâtre Montansier, à voir ensuite en tournée.
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La situation de départ de cet Avare-là sent la vieillesse et la fatigue. Le fils d’Harpagon, Cléante (Alban Guyon), n’est plus un tout jeune homme. Et voilà qu’il déclare à sa sœur, dans la scène 2, qu’il « aime »… N’aurait-il jamais « aimé » ? A son âge ?… Puis entre ledit Harpagon. Jacques Weber l’habite avec grand talent. Mi-gros nounours, mi-vieil aigri menaçant. On sent qu’il a contraint tous les corps à l’ascétisme, dans sa maison de bois poussiéreuse, bien fermée… Cette mise en scène-là se situe au niveau des corps et des mots. A la limite du naturel pur. On ne s’étonne pas que La Flèche (charismatique Jacques Verzier) soit habillé en voyou classe. Pas d’effet comique superflu : c’est avec les sentiments qu’on traite. Que l’on se débat. Dans le public, on peut tendre l’oreille, on entend tout. Très bien. On ressent même superbement la plainte larmoyante du Maître Jacques campé par Vincent Debost, à propos de ses chevaux…
Et l’évolution qu’on attend intervient. Au troisième acte. Car les corps se libèrent. Et Jacques Weber de nous offrir un sublime, sublime numéro physique de vieil homme. Et Alban Guyon de mettre aussitôt son grain de sel avec superbe. Et Rémi Bichet, qui campe Valère, d’asséner une belle série de coups à notre Maître Jacques… Le corps d’Harpagon s’effondrera bientôt, comme soudain incapable de parler. Et on pourra rire. Car l’évidence est là : en ayant campé un cadre sérieux et juste au début, Jean-Louis Martinelli a permis au décalage et à l’humour de s’inviter. Simple. Et excellent.
On aurait bien aimé une toute petite suggestion sur la raison qui a conduit cet Harpagon à la sécheresse, mais bon… Dans le deuxième acte, le parti-pris verse à quelques moments dans l’uniformité… Et si la situation choisie pour le moment des révélations finales rend le dénouement un peu confus, il n’en reste pas moins que le plaisir est là. Intelligent et juste. Et qu’il sait donner un bel éclat, entre tristesse et drôlerie, à cette comédie de Molière qu’on a vu tant de fois montée de façon balourde.
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Les dates de L’Avare après le Théâtre Montansier : à Châteauroux les 24 et 25 mars (L’Equinoxe) ; à Chartres le 28 mars (Théâtre de Chartres) ; à Amiens du 31 mars au 2 avril (Maison de la culture) ; à Massy le 3 avril (Opéra-Théâtre) ; à Fos-sur-Mer le 14 avril ; à Marseille les 17 et 18 avril (Théâtre Toursky International) ; à Bastia le 24 avril (Théâtre municipal) ; à Béziers les 28 et 29 avril (Théâtre municipal) ; à Grenoble les 6 et 7 mai (Théâtre municipal) ; à Pully le 12 mai (L’Octogone) ; à La Rochelle du 19 au 21 mai (La Coursive) ; à Mérignac le 26 mai (Le Pin Galant) ; à Privas le 2 juin.
L’Avare de Molière, mise en scène de Jean-Louis Martinelli. Avec Jacques Weber (Harpagon), Alban Guyon (Cléante), Sophie Rodrigues (Elise), Rémi Bichet (Valère), Marion Harlez-Citti (Marianne), Jacques Verzier (La Flèche), Christine Citti (Frosine), Vincent Debost (Maître Jacques), Azize Kabouche (le seigneur Anselme), Paul Minthe (le commissaire). Durée : 2h20.
Visuel : Jean-Louis Martinelli / Jacques Weber © Kim Weber
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