Performance
Julie Desprairies fait danser les murs de la Terrasse de Nanterre

Julie Desprairies fait danser les murs de la Terrasse de Nanterre

04 February 2022 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Tout près de la sortie du RER Nanterre-Préfecture se trouve un bloc de béton et de verre. Nous n’y avions jusque-là pas prêté attention. Il s’agit de la Terrasse – Espace d’art. Et jusqu’au 12 mars, la chorégraphe des structures Julie Desprairies investit intellectuellement et corporellement le lieu. Génial.

 

« Je fais de la chorégraphie située »

Voici vingt ans que Julie Desprairies est au travail, mais dans les recoins, ceux des lignes parfois courbes dressées soit par l’architecture brutaliste soit par la nature régulée par l’homme. Son nom est assez méconnu car elle n’a jamais créé pour les plateaux. Cette « exposition » d’un genre très particulier est sa première. Avant cela, elle a souvent filmé sa muse Elise Ladoué « dans des lieux compliqués à joindre ».

Si le public ne peut pas y accéder, la caméra, elle, le peut, et la danse le peut aussi. Son travail est social et militant, elle amène le mouvement dans des territoires contraints, par le béton même. Ces endroits, dont même à l’écran on sent la froideur, ces endroits où la peur monte la nuit, deviennent des écrins oniriques et romantiques, telle que la Villeneuve de Grenoble, pensée par le groupe AUA. Elle a dansé le tramway d’Avignon en 2019 dans Désormais si proche, l’aéroport de Santos-Dumont à Rio de Janeiro dans Vue sur la mer en 2005, et en 2012, l’Opéra de Lyon. Ces performances sont pour certaines présentées sur sa chaîne vidéo ici. 

« Le premier jour il n’y avait rien »

Donc, à la Terrasse, elle a choisi de proposer un work in progress. Quand on entre dans le lieu, nous sommes d’entrée de jeu invités à participer. Il y a un grand mur où nous pouvons coller des photos qui toutes mettent du mouvement à l’extérieur. Il y a entre autres, une pièce cocon où, comme chez soi, on peut regarder ses films au rythme qu’on veut. Il y a une grande table, comme dans une maison de campagne, où on se pose pour boire du thé et manger des petits gâteaux (faits avec des emporte-pièces Corbusier !), il y a des mots écrits partout sur le sujet de la danse (dansoeur-danseur, par exemple). Et il y a une programmation de spectacles bien vivants. Jeudi 3 février, nous retrouvons Daniel Larrieu et Elise Ladoué pour un extrait de Tes jambes nues, un duo pensé à partir des geste d’une vigneronne et des Géorgiques de Virgile.

Le pas de deux commence dehors. La Terrasse donne sur l’extérieur via une baie vitrée coupée en deux par un trait de béton. Elle et lui apparaissent comme en vitrine. Elle en rose de travail et lui en bleu. Leurs gestes sont ceux de la vigne. Remuage, prise de mousse… Cela donne des pieds solidement ancrés pour agir sur les mains de façon mécanique. Le duo se mêle et laisse la voix interagir avec les symboliques des gestes. Les mots de Virgile sont « traduits » par la vigneronne. Cela montre les correspondances, la filiation d’un savoir-faire avec 2000 ans d’écart.

À table.

La courte performance est suivie d’une discussion autour de la table. L’image est assez rare. En pleine journée, un public qui dialogue comme dans un bord plateau. La belle réflexion permet à Daniel Larrieu de rappeler qu’ayant découvert la danse dans son collège agricole, il a toujours pensé que l’agriculture et la chorégraphie allaient ensemble. Pour lui, également, danser dehors, faire avec les interventions imprévues, est naturel, le mouvement est partout.

Et c’est ainsi que de discussion en passage, l’exposition-performance de Julie Desprairies prendra forme un peu plus chaque jour. Le public est amené à rester autant qu’il le veut/peut. Nous sommes invités à offrir un geste, à danser sur la musique sur laquelle « il est impossible de ne pas danser ». Ce week-end, par exemple, Thierry Thieù Niang  (chorégraphe) expérimentera avec Jean-Philippe Valla (paysan) ce processus de création particulier qui consiste à « collecter des gestes », ensuite, le regard de Julie et le talent des danseuses et danseurs feront le reste. 

Tout le programme est ici, et ne ratez pas le finissage le 11 mars qui s’annonce festif et très participatif !

 

Visuel :© ABN

 

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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