Opéra
“The Rape of Lucretia”, un Britten austère à l’Athénée

“The Rape of Lucretia”, un Britten austère à l’Athénée

15 January 2014 | PAR Yaël Hirsch

Dirigé par Maxime Pascal et en résidence cette année au Théâtre de l’Athénée, Le Balcon y introduit un opéra contemporain. En 13 solistes et 8 voix, ce Viol de Lucrèce écrit dans les années 1940 par le compositeur britannique Benjamin Britten pour la contralto Kathleen Ferrier, est un beau moment lyrique, un peu corseté par une intrigue issue de Tacite abordée sur le mode moralisateur par Britten et son librettiste Ronald Duncan. Jusqu’au 19 janvier 2014.

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La voix humaine, Caligula,  L’histoire du soldat, de par ses liens à l’Opéra de Paris et sa créativité bouillonnante, le théâtre de l’Athénée nous avait habitués à de petites pièces lyriques précieuses et de chambre. Depuis la Grande duchesse, on quitte l’intime et l’opéra de chambre tend à s’étoffer, avec ici 2 actes et 8 voix d’extraordinaire qualité…

L’histoire se passe au Vème siècle avant notre ère. Alors que Tarquin l’étrusque (et le superbe) a pris Rome, il discute avec Collatinus (l’excellente basse Vladimir Kapshuk, ce premier soir de représentation)  et Junius de la décadence de Rome. La femme du premier, la chaste et belle Lucrecia (formidable Agata Schmidt) serait un contre-exemple. Piqué au vif, Tarquin saute sur un cheval et court faire la cour à Lucrecia. Elle aime son mari d’un amour pur et l’empereur  va jusqu’à la violer..

Quand on pense à l’histoire de Lucrère, on se plonge dans les courbes sensuelles des modèles du Titien et dans les arabesques baroques de la cantate de Haendel. Sèche, la version qu’en propose Britten ne parle que de vertu. Les deux voix du chœurs assurent que le fin mot de l’histoire soit celui de moralisateur, et même si le livret précise que l’intrigue précède Jésus de 5 siècles, l’amour de Lucrèce et sa mort son ramenés longuement dans le giron d’un Christ anglican et austère. La mise en scène de Steven Taylor est à l’avenant de cette rigueur : Lucrèce est transposé dans un camp de la Royal Air Force durant la Guerre où habits et chignons stricts et dossiers ternes sont de mise. Le plateau tourne autour de deux chaises et d’un lit de camp, et même habités par leurs personnages, les chanteurs semblent ne pas avoir le droit de bouger. Alors que l’on s’était habitué à la créativité de Nieto pour accompagner l’excellent Balcon de   la direction d’orchestre avec Le Pierrot Lunaire de Schönberg, le changement de cap est rude.

Reste la musique de Britten, portée avec précision par l’orchestre : la harpe envoûtante du premier acte, les flûtes et des percussions signant la tragédie du deuxième. Le viol de Lucrèce est un opéra exigeant mais qui chante par moment, notamment lors de la deuxième scène du premier acte quand les jeunes femmes plient le linge et à la fin du deuxième acte quand l’ensemble des solistes se demandent en écho si la mort des innocents est tout ce qui reste en ce bas monde. C’est de cette musique puissante et parfaitement transmise par les chanteurs que l’émotion finit par naître au moment où la femme violée et le mari trompé se retrouvent comme deux enfants perdus. Un spectacle fort qu’il faut savoir écouter, plus que voir…

“The rape Of Lucrecta”, (Le viol de Lucrèce), un opéra de Benjamin Britten, livret : Ronald Duncan, d’après l’œuvre d’André Obey, direction musicale : Maxime Pascal, formatiob : Le Balcon, mise en scène:Stephen Taylor, 2h20 avec entracte.

Solistes en alternance : Agata Schmidt / Aude Extrémo, Piotr Kumon / Vladimir Kapshuk, Andriy Gnatiuk / Pietro Di Bianco, Tiago Matos / Damien Pass, Cornelia Oncioiu, Armelle Khourdoïan / Olga Seliverstova, Oleksiy Palchykov/ Kévin Amiel , Andreea Soare / Élodie Hache.

Visuel : © Cosimo Mirco Magliocca

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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