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Les fantômes de la scène, une saison théâtrale 2022 particulièrement hantée

Les fantômes de la scène, une saison théâtrale 2022 particulièrement hantée

27 October 2022 | PAR Adam Defalvard

C’est bientôt Halloween et, à Toute La Culture, nous aimerions revenir sur une première partie de saison théâtrale 2022 où les fantômes et les spectres ont imposé leur présence.

Fantômes du passé, fantômes du présent

Les fantômes sont des grands habitués de la scène théâtrale, et ce depuis les tragédies grecques et romaines. C’est le cas tout particulièrement chez Sénèque où les tragédies s’ouvraient par la parole d’un fantôme d’une précédente tragédie, comme lorsque Thyeste vient donner sa mission à Egisthe au début d’Agamemnon. L’oeuvre de Shakespeare est elle aussi peuplée de fantômes, à commencer par celui du père d’Hamlet, l’un des spectres les plus célèbres du théâtre.

Plus récemment, l’arrivée de la vidéo sur la scène théâtrale a permis de créer une véritable machine à revenants. Le philosophe Jacques Derrida en a longuement parlé, l’image vidéo permet littéralement de créer un fantôme, puisqu’elle fige dans le temps la parole d’une personne destinée à mourir.

Fantôme est un terme large, pas seulement lié à l’épouvante il évoque quelque-chose qui a été, n’est plus, mais qui pourtant n’arrive pas à quitter le présent des vivants. On le voit bien avec son synonyme “revenant”, le fantôme c’est simplement celui qui revient.

Hamlet, Horatio, Marcellus and the Ghost, Robert Thew, PublicDomain Dedication.

La Mort au centre

Avec son Rituel 5, chroniqué ici, Emilie Rousset a placé la mort au centre de la scène. Un spectacle qui explorait tout l’aspect pratique du décès et les innovations autour de cette question. Un des comédiens évoquait d’ailleurs un site internet permettant de laisser un message qui ne sera envoyé qu’après notre mort à nos proches, par mail. Une parole inédite, laissée par un vivant qui s’imaginait déjà mort.

Au Festival d’Automne, Milo Rau a lui aussi fait naître un fantôme avec son Everywoman. Helga Bedau apparaît à l’écran, femme malade, elle nous parle de son rapport à sa mort qui approche et de sa vie. Lorsque la comédienne Ursina Lardi dialogue avec la vidéo, elle parle avec un spectre. Quel moment puissant, sur la scène d’un théâtre, les morts peuvent nous parler.

Rituel 5 : La Mort, Emilie Rousset, Louise Hémon, Adami ©Philippe Lebruman

Fantômes narratifs et ludiques

En septembre, Marc Lainé présentait la deuxième partie de sa trilogie fantastique : En travers de sa gorge. Dans ce spectacle, le fantôme d’un mari disparu permettait de créer un rapport aux personnages et à l’action particulièrement intéressant qu’il n’aurait pas été possible d’obtenir sans passer par ce personnage de spectre. Le fantôme est donc aussi un outil narratif de choix pour les dramaturges, permettant d’incorporer à une histoire un puissant trouble.

La semaine prochaine au Centre Pompidou, c’est le metteur en scène Philippe Quesne qui présentera un drôle de cabaret sans acteurs. En effet, dans Fantasmagoria seront présents uniquement des pianos et des projections fantomatiques. Une proposition scénique qui promet déjà d’être à réveiller les morts. L’association des fantômes avec l’univers du cabaret et de la célébration n’est d’ailleurs pas nouvelle, il n’est pas rare de voir les morts faire la fête. On pense aux fameuses représentations des danses macabres médiévales et des récits qui les accompagnaient. On racontait voir soudain une parade de morts débarquer dans les villages.

Esprit, es-tu là, sur la scène ?

Le théâtre gagne à se nourrir constamment des fantômes, à leur donner un endroit pour s’exprimer et à s’affirmer comme l’art de la parole d’outre-tombe. Qu’ils soient réels, narratifs ou joyeux, les morts continueront de hanter nos théâtres. Alors saluons cette saison théâtrale hantée et, comme le disait Derrida, “L’avenir appartient aux fantômes”!

Plus d’informations sur le spectacle de Philippe Quesne du 3 au 6 novembre ici.

Visuel mis en avant : Danse Macabre de Michael Wolgemut, Domaine public, Wikicommons.

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Adam Defalvard

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