Spectacles
Avec Rituel 5, parler de la Mort ne fait pas peur

Avec Rituel 5, parler de la Mort ne fait pas peur

05 October 2022 | PAR Adam Defalvard

Émilie Rousset et Louise Hémon proposent, dans le cadre du Festival d’Automne, un espace de réflexion inédit et précieux autour de la Mort, sujet encore trop tabou lorsque l’on en parle dans son aspect pratique. 

La transmission de la parole

Ils sont huit sur scène, tous de jeunes comédiens et comédiennes sélectionnés dans le cadre de l’opération Talents Adami Théâtre qui offrait l’opportunité à de jeunes artistes de participer à une création d’un metteur en scène de renom. C’est la metteuse en scène Émilie Rousset et la cinéaste Louise Hémon qui ont donc dirigé ces acteurs dans une démarche particulière de reenactement d’interviews et de conversations avec toutes sortes de personnes ayant un lien avec le monde funéraire.

Chaque interprète brille dans sa spécificité tout en prenant la position d’un passeur d’une parole réelle. Le grand écran qui surplombe la scène créé un jeu de regard puissant avec les comédiens, lorsque ceux-ci passent derrière l’écran et que leur visage apparaît alors filmé en gros plan. On regrette presque que ce procédé ne soit pas utilisé tous le long du spectacle tant cette proximité avec le visage des comédiens est intéressante. 

S’inscrivant dans le cycle de l’exploration des rituels qui régissent nos vies qu’ont commencé Louise Hémon et Émilie Rousset (L’Anniversaire, Le Vote, Le Baptême de mer, Le grand débat), ce cinquième rituel se penche sur un grand tabou dans le monde occidental, la Mort.

La Mort est un sujet comme les autres

Non dénué d’humour, Rituel 5 est une plongée passionnante dans l’univers du funéraire. On y apprend beaucoup sur les nouvelles techniques plus écologiques émergentes pour disposer des défunts, comme la très belle idée du retour à la terre fertile qu’est l’Humusation. On en apprend aussi sur la place des nouvelles technologies, QR codes sur les tombes ou encore possibilité de faire parvenir des messages envoyés pré-décès à ses proches après notre mort. Une perspective assez vertigineuse, recevoir dans ses mails au présent la parole du passé d’une personne morte.

On retrouve également toute une dimension qui évoque sans le nommer le mouvement “death positive” très populaire aux Etats-Unis, mouvement qui entend désacraliser la mort en en parlant plus librement et ainsi pouvoir apaiser les angoisses des vivants. Le choix de mise en scène opéré à la fin du spectacle, de transformer à l’écran les interprètes en zombies effrayants avec du maquillage SFX, laisse d’ailleurs un peu songeur quant à son inscription dans cette démarche de désacralisation. 

En effet, le corps en décomposition, le corps mort, ça ne fait pas peur. On découvre par exemple un extrait d’interview d’une maquilleuse de cadavres, et malgré le rire déclenché par son affirmation que la famille d’un défunt lui a déjà dit qu’il n’avait “jamais été aussi beau”, c’est aussi une réflexion véritablement passionnante qui émerge avec cette affirmation.

Dans une mise en scène sobre et juste et avec des interprètes de talent, Emilie Rousset et Louise Hémon se font porteuses d’une parole particulière, à la fois drôle, touchante et instructive. Penser à la Mort, la nôtre et celle des autres, cela n’a pas à être déprimant. 

Infos pratiques :

Jusqu’au 8 octobre 2022 dans le cadre du Festival d’Automne à l’Atelier de Paris CDCN. Pour plus d’informations, cliquez ici.

Avec les comédiens de l’Adami : Barbara Chanut, Mohamed El Mazzouji, Anaïs Gournay, Manon Hugny, Damoh Ikheteah, Tom Pezier, Arthur Rémi et Ophélie Ségala. 

Visuels : Rituel 5 : La Mort, Emilie Rousset, Louise Hémon, Adami ©Philippe Lebruman

 
“Un miracle” de Victoria Mas : pour qui sonne le glas ?
“L’Annonce faite à Marie” par Philippe Leroux et Célie Pauthe, aux fondations de la cathédrale
Adam Defalvard

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration