Opéra
Jakub Jósef Orlinski réussit son pari élyséen

Jakub Jósef Orlinski réussit son pari élyséen

23 September 2022 | PAR Victoria Okada

Le Théâtre des Champs-Élysées ouvre sa nouvelle saison avec Orfeo ed Euridice de Gluck dans la mise en scène de Robert Carsen. Cette reprise marque les débuts scéniques du contre-ténor polonais Jakub Jósef Orlinski à Paris.

 

La production de Robert Carsen, présentée d’abord à Chicago puis Avenue Montaigne en 2018, brillera encore longtemps pour son esthétisme et sa beauté. La scène est dépouillée de tout superflu, et pourtant, il n’y a aucun sentiment de vide. Cette vaste terre couleur ocre-ivoire du premier acte — où la tombe d’Eurydice apparaît et disparaît — se transforme, au deuxième acte, en enfer rempli de furies et de spectres qui se réveillent pour crier « No ! ». La scène est hautement dramatique avec un cercle de feu infernal, le tout éclairé par une lumière sombre, un autre raffinement esthétique. Carsen dirige Orphée jusqu’aux petits gestes, jusqu’à ses regards, qui expriment avec éloquence son désespoir et ses tourments. Une belle chorégraphie synchronisée relie Orphée et son double, Amour. Amour est également le guide d’Eurydice dans sa résurrection et dans l’union finale des deux amants, rendant la dramaturgie extrêmement poignante.

Thomas Hengelbrock, le chef, a choisi la version originale de 1762, « extrêmement concentrée » selon lui. Il dirige son Balthasar Neumann choir & ensemble avec autant de dramaturgie. Les parties basses renforcées de vents, volontairement accentuées aux moments graves de la partition, restent les plus marquantes de l’interprétation orchestrale. La sonorité souvent acide dans le deuxième acte participe à la souffrance du héros et Hengelbrock nous invite ainsi à visiter la psychologie du jeune personnage. Le chœur, constamment superlatif, est l’une des merveilles de la représentation.

Les trois rôles sont incarnés par trois chanteurs à fort caractère. Regula Mühlemann chante une Eurydice sobre, mais émouvante. Annoncée souffrante, elle tient le rôle plus que dignement, sans toutefois déployer pleinement ses moyens. On devine quelle sera sa prestation revenue en pleine possession de sa voix ! Elena Galitskaya est un Amour puissant et bienveillant, tant pour son chant naturel à juste projection que pour ses gestes symboliques qui accompagnent le destin des deux protagonistes. Jakub Jósef Orlinski répond à l’attente palpable de la salle. Son timbre d’or dans les aigus et ombrageux dans les graves, ce contraste fascinant, permettent de construire un personnage fiévreusement affligé. Néanmoins, sa voix ainsi teintée, magnifique en somme, peut sonner quelque peu monotone, car elle résonne toujours de la même manière… Restent son talent d’acteur et ses mouvements de corps très vrais, un grand atout pour incarner cet Orphée en proie au désespoir.

Avec cette production, la saison de la maison des Champs-Élysées s’annonce radieuse comme les retrouvailles d’Orphée et Eurydice à l’Élysée.

Photos © Vincent Pontet

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Victoria Okada

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