
Transversari, l’enfermement esthétique de Vincent Thomasset
Au Festival d’Automne, le metteur en scène et chorégraphe Vincent Thomasset sort de ses chemins habituels pour tenter d’explorer la narration dans un seul en scène offert à muse, Lorenzo De Angelis
Cela fait maintenant neuf ans que nous suivons le travail de cet artiste qui s’est attelé pendant près d’une décennie à travailler la voix dans la performance. Il a questionné souvent la perception, et s’est amusé des faux-semblants comme dans Bodies in the Cellar, les Protagronistes, les Lettres de non-motivation et Ensemble, ensemble. Avant le début de l’épidémie, il avait déjà amorcé un tournant avec le délicieux Carroussel, en tiraillant d’un bout à l’autre de la corde le libre et le contraint.
En 2017, à l’occasion d’une interview, Vincent Thomasset nous disait “Petit à petit, je vais arriver à faire du théâtre. J’ai envie de le faire comme j’aurai envie de le voir. J’ai envie de travailler le corps, et de travailler la voix.”
Et bien avec Transversari, il semble clairement se positionner du côté du corps, mais d’un corps en négatif, sans visage, parfois en ombres chinoises.
Dans un décor léché fait d’un grand écran et de marches, Lorenzo De Angelis se cache pour commencer, il se déploie comme un papillon chargé de métal. L’image est superbe, la lumière parfaite. Le temps est alors délicieusement lent et il faudra un moment avant que le danseur ne se dépouille et apparaisse, homme au visage totalement masqué, pieds nus, pantalon à pinces et tee-shirt.
Dans un geste qui s’approche plus de l’art du mime que de la danse et de façon totalement littérale, le danseur va vivre en huis-clos comme un hikikomori. Il va faire semblant d’aller dans sa cuisine, de boire, de manger, de jouer à des jeux vidéos, de dormir et de recommencer sans jamais sortir de chez lui autrement que symboliquement via les écrans et son imagination.
C’est plus tard, trop tard à notre avis, que le mouvement se libère et que la danse vient dire sans montrer ce que cela veut dire d’être enfermé volontaire, sans plus rien d’autre que des automatismes, et sans miroir, sans visage.
La pièce vaut par des images superbes, ses focus sur les extrémités du danseur qui semblent infinies et une bande son parfaite, comme toujours chez Thomasset. On y entend en plus du travail de Pierre Boscheron, Minitel Rose, Iggy Pop et Timecop 1983.
Absolument dans son temps, Transversari est un spectacle tout public, visible dès 8/9 ans. Il permettra d’ouvrir les réflexions sur ce que le confinement provoque à chacun. La pièce n’a étonnamment pas été pensée pendant la première vague.
Au Carreau du Temple, jusqu’au 14 janvier à 19H30
Visuel : ©Yann Philippe