
Maps, la danse aléatoire de Santoro et Godard à la Bastille
Vous le savez, car on vous en parle depuis quelques jours, en ce moment le Théâtre de la Bastille est le centre névralgique de la danse contemporaine. Hier soir nous avons eu l’occasion de nous rattraper en voyant enfin MAPS, une pièce de 2017 du duo le plus cérébral de la danse contemporaine, Liz Santoro et Pierre Godard. Un petit bijou millimétré.
Dans la droite ligne de Cunningham, Santoro et Godard travaillent les lignes, rien que les lignes, tracées par un jeu de hasard. Tout comme le roi Merce, Liz est américaine et a été longuement mêlée à la downtown dance (Trajal Harrell…) De ces deux mondes naît un dialogue entre la danse contemporaine et la danse de club.
Pour MAPS, des mots sont projetés au mur, sans aucun lien apparent : “Croire”, “Arrêter” kimono”… Et les danseurs Matthieu Barbin, Lucas Bassereau, Jacquelyn Elder, Maya Masse, Cynthia Koppe et Liz Santoro pour le moment marchent en rond. Le sol est blanc ponctué de petites marques noires.
Ensuite vient un corps commun, une ligne droite qui avance vers nous. L’image est celle d’un podium de boite ou de fashion week, au choix. Les costumes d’Angèle Micaux sont délicieux, mi street, mi tendance, ils sont hors saison. Un mot provoque un mouvement, les danseurs s’écoutent, se regardent et se lancent, par trio, par duo, tous ensemble..
Au fur et à mesure, la danse devient un accident de la marche. La marche est une passion pour les deux chorégraphes (si on peut les nommer ainsi, Pierre est universitaire, Liz danseuse). Nous connaissons leur travail pour les avoir vus en 2017 à June Events. Ils travaillaient alors le mouvement de façon “hiératique et tonique” dans le conceptuel For Claude Shannon. En 2018, Noisy Channel nous permet de de comprendre cette alliance expérimentale entre les recherches de Pierre “dans le domaine des algorithmes traitant du langage” et le mouvement. Pour Noisy Channel comme pour Maps, la musique est de Greg Beller. Le son est celui un métronome qui va se transformer en rythme techno puis rock.
La réflexion sur la relation entre les mots, le son et les corps prend un seul chemin : celui de la filiation. La danse vient de la marche, la musique vient du tempo. Cela suscite des gestes ancrés dans les écritures de chaque interprètes. Matthieu Barbin danse comme il respire, il survole le plateau dans des pivots sur les hanches comme des chutes libres.
MAPS est d’une extrême précision et demande une belle concentration tout en progression.
Ce focus danse pensé avec l’Atelier de Paris continue jusqu’au 7. Ce soir et demain vous pourrez voir Labourer de Madeleine Fournier et demain et vendredi Stéreo de Liz Santoro et Pierre Godard
Visuel : ©Patrick Berger