
« LIGHT : Bach dances », les leçons de Ténèbres et de Lumière de Hofesh Shechter
Avec Hofesh Shechter, nous avons appris que la danse est un cri. Dans Grand Finale, il s’apaise au son de Cantates interprétées sur scène par le Concerto Copenhagen dirigé par Lars Ulrik Mortensen.
Le plus londoniens des chorégraphes israéliens nous a doublement accompagnés a Paris en 2022 : après le bal de Contemporary dance 2.0 en avril au Théâtre des Abbesses ( et repris fin décembre), ce premier week-end de janvier était marqué par la création française de LIGHT : Bach Dances à la Philharmonie, dans le cadre de la saison Hors les murs du Théâtre de la Ville ( en raison des travaux).
En salle Pierre Boulez, le public s’est précipité pour ce dialogue de Hofesh Shechter avec Bach et avec des témoignages de 5 personnes qui ont approché ou sont déclarés proches de la mort. Complice avec John Fulljames, directeur de l’Opera Royal de Copenhague (ils avaient déjà fait ensemble un Orphée), Hofesh Schechter articule des extraits de cantates de Bach avec ces paroles de condamnés. Ils voudraient vivre, laisser une trace … Rien n’est possible. Le verdict tombe comme un couperet. Bach leur répond avec l’injonction du croyant. Tout arrivera à son heure et pas après.
« Geduld » : l’attente de la danse
Dans la scénographie, l’ombre dévore la lumière. Ils nous attendent sur scène : Robinson Cassarino, Chieh-Hann Chang, Frédéric Despierre, Rachel Fallon, Emma Farnell-Watson, Adam Khazhmuradov, Yeji Kim, Rosalia Panepinto, Jill Goh Su-Jen et Niek Wagenaares. Les 11 danseurs de la Hofesh Shechter Company attendent. Ils sont là et pourtant ils semblent coincés entre les chaises d’une conférence affligée et un orchestre plongé dans la pénombre. Le public patientera avec eux. Pendant plus de la moitié du spectacle, on n’aura que des esquisses de mouvements. La grammaire du chorégraphe est pourtant là : les bras qui se lèvent, les épaules qui ondulent, mais avec une langueur qu’on ne lui connaissait pas.
Une scène très obscure se détache au cœur de la scène. On y projette des ombres. Les danseurs convulseront doucement, allongés dans du gaz. Les chanteurs, eux, sont promenés comme des objets dans des caissons de lumière. Ils sont les phares de ces tableaux sacrés. L’orchestre bat la mesure, avec la même lenteur. Les solistes – parmi eux les sopranos Mary Bevan et Jennie Lomm, la basse Jacob Bloch Jespersen, les ténors Gerald Geerink et Zahid Siddi – installent leurs timbres émouvants. Les chœurs scanderont le peu de temps qui reste. Le silence sépare les morceaux choisis. Ce sont de véritables leçons, des exercices spirituels. Et la répétition du mouvement se fond avec celle de la musique (« Es is genug »). L’immanence sacrée de la danse du chorégraphe ne va pas toujours avec la transcendance épurée de cette interprétation de Bach.
On s’impatiente. Mais on a raison d’attendre : ce n’est qu’en final que la lumière de Paule Constable explose et que les fans retrouvent le vrombissement d’énergie qui marque la danse d’Hofesh Shechter. Reste à savoir si après tant de mort, la résurrection sera bien au bout du tunnel.
Visuel : ©Théâtre de la Ville