
Et si Ohad Naharin voulait aussi mourir sur scène ?
MOMO, la nouvelle création du maître israélien, est une sombre et intense plongée dans un monde où il faut choisir entre la raison et la passion, entre le collectif et le particulier. Chef-d’œuvre.
Chaos
Avant tout, rappelons que les titres des spectacles d’Ohad sont aussi gagas que sa danse. Comme l’écriture de cette danse qui vient des tripes, qui part de la sensation pour devenir un mouvement, les œuvres portent des noms qui n’ont pas de sens précis. MOMO donc rassemble à son commencement un quatuor de gars torses nus et en treillis portés taille basse. Sexy ? Non, militaire plutôt. Les quatre font corps commun. Leurs membres se prolongent les uns avec les autres. Au début, eux, ils sont hyper calés mais tout est fait pour que la salle ne le soit pas. Les spectateurs et les spectatrices s’installent encore, les lumières sont vives et l’annonce portable n’a pas encore été faite. C’est le chaos, mais un chaos subtil.
Danser plutôt que de crever
Billy Barry est le premier à surgir dans un justaucorps rose en velours. Il est happé vers l’arrière, le corps en hyper extension et d’une souplesse animale. Le quatuor est imperturbable. Il effectue pendant ce temps des figures plutôt lentes. Et puis un.e par un.e les danseuses et les danseurs font leur entrée. Chen Agron, Yarden Bareket, Yael Ben Ezer, Matan Cohen, Guy Davidson, Ben Green, Chiaki, Horita, Li-En Hsu, Sean Howe, Londiwe Khoza, Adrienne Lipson, Ohad Mazor, Eri Nakamura, Gianni Notarnicola, Danai Porat, Igor Ptashenchuk, Yoni (Yonatan) Simon arrivent habillés avec des références classiques (le tutu merveilleux de Gianni Notarnicola !) ou disco (shorts métalliques). Aux sons tout en boucles déphasées de “Landfall” de Laurie Anderson, pour l’essentiel, MOMO se déploie avec en point de fuite un sombre mur d’escalade.
Virtuose
C’est simple, Naharin nous trouble en nous ordonnant de choisir où regarder dans une intense leçon de frustration. Cette pièce est techniquement très aboutie. Les ancrages cherchent fort l’attractivité du sol dans ce monde vide de ciel. La beauté se niche dans les contraintes. Les fentes sont extrêmement larges, les chutes sont raides, les épaules tournent le dos au futur. Entre-temps, le collectif s’est paré d’individualités, et inversement. Finalement cela ne va pas si mal.
À voir absolument à la Villette dans le cadre de la programmation hors les murs de Chaillot.
Jusqu’au 3 juin.
Informations et réservations.
Visuel : © Ascaf