
Duras par Thomas Lebrun à Faits d’Hiver
Le festival de danse suit le travail du chorégraphe depuis 2002. Après l’avoir vu déployer un nombre considérable de travaux sous sa direction, Thomas Lebrun offre aujourd’hui un solo qui sonne comme un pas de deux schizophrène avec la reine Duras.
L’envahissement de l’être (danser avec Duras) est une fusion. Sous les belles lumières de Françoise Michel, le danseur vêtu de sa rituelle tunique noire, son armure, entre en scène. Il est superbe.
Chacun de ses gestes est intime. Il semble prendre appui sur l’air dans des ancrages nichés au fond de ses tripes. C’est une danse très chargée dans son intention et qui se délivre dans un léger souffle à la beauté folle. Les bras se tendent dans une ligne horizontale, les mains s’ouvrent. Il tourne. Ce n’est presque rien et pourtant, c’est un grand tout. Parfois, il courbe les côtes dans un soupçon d’intention. Le geste est toujours juste.
Puis, vient la voix de Duras, souvent alcoolisée, extrêmement espiègle, vive et drôle. Tout y passe : la critique des critiques, la critique du PC époque stalinienne, la province. Duras était un mythe de son vivant, aujourd’hui son fantôme est partagé entre beaucoup.
Dans son écriture précise, Thomas Lebrun nous amène dans un cabaret Nô à la lenteur comique, “une volonté de l’artiste” écrit-il sur un panneau. On se marre beaucoup, autant que dans Les rois de la piste, son spectacle sur les boîtes de nuit de province.
Il est génial bien sûr d’écouter Duras parler, de revoir juste en les entendant des extraits de films et de chantonner par cœur “India song”. Plus le spectacle avance, plus la notion de travestissement s’impose. Thomas Lebrun devient Duras, tous les deux fusionnent. Il la prend dans son corps, danse au rythme de son phrasé puis, il la prend dans ses lèvres, dans une séquence de lypsinc déjà iconique.
L’envahissement de l’être (danser avec Duras) est un spectacle parfait où Thomas Lebrun nous parle autant de lui que de la célèbre écrivaine. Ce solo résume très bien la carrière du danseur et chorégraphe qui est faite de grandes et belles pièces très structurées autant que d’expériences où la liberté peut se frayer une place. Cela ressemble pas mal à la vie et aux œuvres de Marguerite Duras !
Jusqu’au 12 février à Micadanses. Informations et réservations ici.
Visuel : © Frédéric Iovino