
Drumming Live, la danse miroir d’Anne Teresa de Keersmaeker entre à l’Opera
En guise de fin de saison et à quelques jours de l’ouverture du Festival d’Avignon, l’Opéra de Paris frappe fort en faisant entrer au répertoire Drumming Live, d’Anne Teresa de Keersmaeker.
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Il y a d’abord la couleur : orange. Il y a ensuite les lignes, celles qui marquent une délimitation en fond de scène. Un plateau orange avec ici et là des cylindres posés. Et derrière la ligne on devine des percussions, une ligne d’instruments.
En 1982, la chorégraphe flamande révolutionne la danse avec Fase. Elle inscrit l’idée que le mouvement est mathématique. Proche de la musique répétitive de Steve Reich, elle impose un geste qui n’est ni néo-classique, ni contemporain et dont la beauté subjugue.
Drumming Live est comme un cours sur les pas d’Anne Teresa de Keersmaeker. Son dialogue incessant avec la musique (qui peut être classique (Partita 2), jazz ( Love Supreme) ou encore médiévale (Cesena) )) se déroule cette fois avec l’ensemble Ictus. Le spectacle Drumming a été créé en 1998, mais il est devenu Drumming Live en 2000 quand la musique est entrée sur scène.
C’est donc un double ballet qui se joue. Celui des musiciens qui vont se placer devant leurs percussions (Peaux, xylophones…) et se déplacer de droite à gauche pendant l’heure du spectacle, dans un mouvement qui n’est pas dansé mais qui accompagne les danseurs et le regard du spectateur.
Devant eux, c’est l’explosion, Juliette hilaire fait une entrée magistrale, un solo, qui va se transformer en duo avec Adrien Couvez et qui pose les règles de la grammaire Keersmaeker : phrase/ contrepoint/ déphasage.
Ils seront onze danseurs en tout, dont les premiers danseurs Sae-Eun Park, Florian Magnenel et la particulièrement altière Muriel Zusperreguy. Les costumes sont signés par Dries Van Noten. Pantalons blancs fluides, chemises ouvertes… Drumming Live a la classe d’un défilé de mode Haute Couture. D’ailleurs, ils marchent, dans cette fameuse phrase de base, qui oblige les corps à réviser les équerres et les perpendiculaires. Les lignes sont droites mais leurs croisements sont inattendus. La danse fait jaillir des contrepoints magnifiques qui passent du miroir au déphasage sans prévenir. Et c’est là, que les spirales se font dans les trajectoires propres à chacun, générant un trouble, une impossibilité à tout voir et une vraie sensation de virtuosité.
La musique est ici une transe uniquement rythmique qui empêche tout repère de refrain. Les danseurs sont donc obligés de particulièrement s’écouter ce qui donne à voir des regards et des sourires entre eux. Ils sont le tempo et la temporalité. Ils tournent, courent dans un déploiement spatial dément, tant par le rythme que par les cassures qui font de chaque moment une surprise.
Drumming Live est un chef d’oeuvre, une leçon de danse et de beauté, ne le ratez pas, il joue jusqu’au 15 juillet et il reste des places à partir de 25 €.
Visuels
©Compagnie Rosas
©Agathe Poupeney / Opéra national de Paris