
Cherish Menzo et Camilo Mejía Cortés, super-héros au Kunstenfestivaldesarts
Vraie première pour la danseuse et chorégraphe néerlandaise qui présente en ce moment à Bruxelles sa toute nouvelle création, DARKMATTER, qui comme la série du presque même nom, la barre en plus, nous entraîne dans une dissociation du réel et de la fiction. Puissant.
Dark Matter est pour les fans de science fiction une série télévisée canadienne et une bande dessinée qui raconte l’histoire de personnages exilés dans un vaisseau spatial, amnésiques. Ils survivent aidés par un androïde. Quand la pièce commence, Cherish Menzo et Camilo Mejía Cortés sont au sol, l’un étale un liquide noir sur le ventre de l’autre. Les visages sont totalement oblitérés par un masque miroir. Les corps vêtus d’un hoodie et d’un pantalon sont identiques. Il est impossible de savoir leur âge, leur genre, rien. L’image est dingue. Elle est comme hachurée par la lumière et la musique, toutes deux électriques. Ensuite viennent d’autres apparitions.
On les retrouve en fond de scène, devant un panneau qui pourrait être la porte d’un lieu de cargaison. Ils sont désormais des ombres, là encore indissociables, mais leur allure est celle d’esclaves ou d’autres exilés afro-descendants. Leur danse les encastre l’un dans l’autre dans des dialogues ondulatoires. Cela pourrait être sexy, c’est juste étrange. Et on adore ça !
Nous entrons alors dans le travail du duo : l’ailleurs. Dans cette pièce il et elle deviennent des super-héros monstrueux, œil vitré et dents en métal. Il et elle sont les méchants de Mad Max mais aussi des créatures queer sublimes et drôles. Leurs mouvements sont des accélérations et des décélérations qui glissent comme de la Trap, cette musique issue du rap qui se caractérise par un rythme lent, profond, charnel. Eux deux avancent vers une casse des stéréotypes, il et elle ne sont plus des victimes au sol, il et elle volent haut, et grimpent les murs (dorés) du Beursschouwburg, ce théâtre super contemporain aux allures d’opéra décrépit situé non loin de la place de la Bourse à Bruxelles.
Au fur et à mesure, le corps se détache de ses représentations jusqu’à porter un hymne rap où il est question de retour à la surface, d’être soi-même.
Cette pièce donne furieusement envie de tout voir et tout connaître de Cherish Menzo qui impose une présence au plateau au bord du jeu vidéo. Elle brouille les pistes, fait bugger nos yeux. Elle est fascinante dans son écriture et sa réalisation.
A suivre de très très près.
Du 12 au 15 mai, Kunstenfestivaldesarts. 18h, Beursschouwburg. Durée 1H25.
Visuel : © Yaqine Hamzaoui & Yema Gieskes