
Cabraqimera, le quatuor à roulettes fluo de Catarina Miranda
Initialement prévue entre juillet 2021 et février 2022, la saison France-Portugal a pu enfin commencer. Au Centre Pompidou, main dans la main avec le Teatro Municipal do Porto nous découvrons, époustouflés, les lignes de fuites esthétisantes et très performatives de Catarina Miranda.
Ultraviolet
L’ultraviolet est-il tendance ? Il y a quelques jours, en ouverture de l’Étrange Cargo, Caroline Breton et Charles Chemin utilisaient ce procédé qui place les corps (et les objets) en négatif et qui révèle par contraste. Au Centre Pompidou, le focus sur la scène portugaise se nomme “Futurologies fluorescentes”, c’est dire !
Cela se passe avant même l’entrée en salle, d’habitude si fluide. Ce soir, non. Nous sommes mis en attente, dans une tension soulignée par les couleurs roses, bleues qui inondent l’escalier.
Nous sommes accueillis, en bas de ce même escalier, par une installation de la chorégraphe. Poromechanics, ce sont des vidéos d’artistes portugais (on reconnaît Marco da Silva Ferreira) qui semblent se réveiller.
Nous apprenons ainsi que Catarina Miranda, qui est passée par la formation Exerce, travaille “avec des langages qui interceptent la danse, la scénographie et la lumière, approchant le corps comme un réservoir pour la transformation et la médiation des états hypnagogiques (relatifs à l’endormissement)”.
Tours de piste
Quand Duarte Valadares, Francisca Pinto, Emanuel Salvadinho et Madalena Pereira se lancent sur la scène du Centre Pompidou devenue un roller disco sans musique disco, on ne devine que les roues des chaussures, lumineuses. L’image est géniale, la lumière des roulettes se reflète sur le tapis de danse blanc. Puis les néons violets accrochés aux cintres se mettent à sculpter les silhouettes moulées dans des costumes en lycra.
Ils sont quatre, deux en rose, deux en bleu. Et ils se lancent d’abord chacun individuellement, puis en ligne, puis en cercles concentriques. La vitesse va leur permettre de déployer des rapidités inédites dans les avant-bras, dans un geste presque de wacking.
On comprend vite que le sujet n’est pas tant la chorégraphie que l’image, la forme. Et sur ce point-là, c’est éblouissant. La pièce est réellement totale. C’est une installation, c’est du mouvement, c’est de la lumière, c’est de la musique. De mémoire de spectateurs, en danse en tout cas, on n’avait jamais vu un travail à ce point à 360°, qui met tous les médias à égalité.
La bande-son est celle d’un club electro épileptique qui de temps en temps s’offre un peu de repos. Les danseurs et danseuses, visières sur les yeux, avancent par définition cloués au sol, ils marchent, sur jambes raides qu’ils font glisser, entraînant les épaules en opposition, parfois ils se croisent, tourbillonnent, et même, chutent dans les blocs de lumières de Leticia Skrycky. Cela crée des tableaux ultra-contemporains.
Les figures, si on peut les nommer ainsi, deviennent tout au long du spectacle de plus en plus géométriques et robotiques. Eux et elles roulent des pieds et des mains, c’est hypotonique à souhait. On adore.
Malheureusement, la pièce ne se donnait que deux soirs à Paris, vendredi et samedi, 18 et 19 mars. Mais, si vous êtes au Portugal cet été, elle jouera le 16 juillet au Teatro Micaelense Açores à l’occasion du Walk&Talk Festival. On ne sait jamais !
Visuels : © José Caldeira/DDD