Behind the ligth, Cristiana Morganti s’enferme
Au théâtre de la ville, “la” Morganti, danseuse phare de Pina Bausch et chorégraphe, donne une suite à ses Moving with Pina et Jessica and me. Un one-woman-show parlé, dansé, mimé qui amuse autant qu’il déçoit.
“Quand tu laisses la danse pour un jour, elle te laisse pour deux”
La scène nous attend, vide de corps. Le plateau est blanc et il s’y trouve un gros fauteuil gonflable rose et un micro à pied. Ensuite surgit un beat électro qui est censé nous irriter. La danseuse à la chevelure iconique apparait et nous apostrophe. Dans les grandes lignes, elle en a marre. Marre de tout, marre de faire joli, marre de faire bien, marre de séduire le public. Vite, elle se met à danser, et immédiatement, son geste est juste, souple, suspendu. Elle veut en rire, nous dire que ses jambes peuvent casser, qu’il ne reste que les bras pour danser. Mais c’est faux. Elle bouge qu’elle le veuille ou non.
Behind de light interroge cette volonté. Cristiana Morganti avait en tête une pièce pour neuf danseurs et danseuses, internationaux. La pandémie en a décidé autrement. Et dans sa vie, les emmerdes ont plu. Dans une déclaration presque slamée, elle partage la liste de ses malheurs. L’effet fonctionne, il est drama, il est comedia, il est théâtral.
“Plus tu vieillis, plus tu entraines”
Mais à un moment précis du spectacle, le rythme est cassé. La proposition souffre de sa composition. Elle enchaine les tableaux comme des sketchs, de façon très découpée, et fonce dans l’écueil du pas de deux entre une scène et une chanson. Même si la playlist est délicieuse, la pièce manque de fluidité et rate à plusieurs reprises ses effets. Cristiana Morganti est une interprète qui n’a plus rien à prouver sauf qu’elle semble l’oublier. Finalement, le spectacle est plus une comédie qu’une pièce de danse. En se concentrant sur son auto-portrait pensé en plein confinement, elle s’enferme dans une gestuelle clownesque et tendre qui ne dépasse pas la sensation de divertissement. Pour ce troisième solo, elle cherche une nouvelle fois à interroger ce que la voix et l’humour peuvent provoquer. Mais là où les deux précédents étaient plus resserrés, Behind the Light s’éparpille un peu trop. On en gardera les solos de danse à la fluidité implacable et on oubliera les effets vidéos un peu trop classiques pour nous séduire.
Du 6 au 11 mars, au Théâtre de la Ville- Les Abbesses
Visuel : Ilaria Costanzo