
Aux Francophonies en Limousin, des histoires d’Afrique et de générations
Les créations Tram 83 et Eddy Merckx a marché sur la lune ont inégalement marqué le début de la 34e édition d’un festival foisonnant et chaleureux où l’on sent d’emblée le plaisir qu’éprouvent les artistes et les spectateurs à se réunir autour d’écritures textuelles et scéniques engagées pour célébrer avec vitalité la francophonie.
Plus d’une trentaine de spectacles, des lectures, des débats, des concerts rythment sur dix jours une programmation pluridisciplinaire représentant des auteurs et des artistes venus de partout dans le monde, principalement de Tunisie, un pays à l’honneur avec trois propositions, de Belgique, du Canada, du Congo, d’Irak… Ainsi se donneront à Limoges les spectacles de Dieudonné Niangouna, Josse de Pauw, Serge Aimé Culibaly ou DeLaVallet Bidiefono, tandis que l’auteur camerounais Sufo Sufo s’est vu remettre le prix SACD de la Dramaturgie Francophone pour son texte Debout un pied.
Ce week-end étaient présentés Tram 83 et Eddy Merckx a marché sur la lune, deux spectacles de facture un peu lisse pour pleinement donner à voir et à entendre ce qu’ils ont à dire. Toutefois, la force de la première proposition réside dans son texte dense et puissant. La langue explosive de Fiston Mwanza Mujila s’est offerte comme une plongée réaliste et poétique dans les bas-fonds africains à travers la cartographie d’un bar que jouxte une voie ferrée, un lieu de débauche nocturne où se retrouvent les étudiants rebelles, les touristes de seconde zone, les jeunes prostituées et les creuseurs de mine, ouvriers exploités dans la ville ravagée de Lubumbashi en République démocratique du Congo où l’auteur ne vit plus. Les mots sont plus évocateurs que la mise en scène de Julie Kretzchmar. Les images manquent pour véritablement faire exister la ville-pays calfeutrée derrière un large mur métallique qui sert de décor unique. Sexe, jazz et sueur, au cœur de l’écriture, sont trop elliptiquement convoqués. Les acteurs sont bons mais ont du mal a trouver leurs marques.
En revanche, Eddy Merckx a marché sur la lune, la pièce chorale de Jean-Marie Piemme, orchestrée par Armel Roussel, bénéficie d’une jeune équipe d’acteurs très énergiques et spontanés, peut-être un peu trop volontaires. La sympathique représentation a reçu un triomphe du public sensible à l’humour, la fraîcheur, la dérision, et surtout la juvénilité déployées. Du haut de ses 74 ans, le dramaturge belge s’intéresse avec parfois un peu trop de simplisme à l’état d’esprit d’une jeunesse dubitative face à la dureté de l’existence contemporaine forcément itinérante, sentimentalement instable, politiquement décevante. S’invente sur le plateau la biographie fictive d’un personnage haut en couleurs conçu par ses parents à la date historique du 20 juillet 1969 où Neil Armstong posait le premier pas sur la lune et Eddy Merckx gagnait son premier tour de France. Avec malignité, les comédiens endossent tous les rôles principaux qui se distinguent juste par un accessoire caractéristiques, un élément de costume… Comment prendre ses distances avec les idoles du passé pour penser son propre présent ? C’est le propos du spectacle qui confronte deux générations et deux visions du monde, pleine d’insouciance chez les parents hippies, plus lucide et déroutée chez leurs enfants pris dans les méandres de la vie actuelle dans une Europe fatiguée. Tous en chœur, les acteurs scandent au début un programmatique « hop là, nous vivons ! ». Un inévitable désenchantement mais une solide volonté d’espérer sont au cœur du festival jusqu’au 30 septembre. Pourquoi vouloir la lune ?
Tournée à Paris
Tram 83
Au Tarmac, du 27 au 30 mars 2018
Eddy Merckx a marché sur la lune
Au théâtre Paris-Villette, du 15 novembre au 2 décembre 2017