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“Les Comètes” d’Aurélie Van Den Daele : quand l’art vivant s’exprime sur le thème du vivant

“Les Comètes” d’Aurélie Van Den Daele : quand l’art vivant s’exprime sur le thème du vivant

07 February 2023 | PAR Mai Linh Tang Stievenard

Les Comètes, temps fort de créations initié par Aurélie Van Dan Daele, directrice du Théâtre de l’Union et de l’Ecole Supérieure de Théâtre à Limoges, interroge notre rapport au vivant et à demain, deux thèmes philosophiques qui rappellent à quel point notre présence au monde est à la fois puissante et fragile.

Les Comètes, une mise en orbite artistique

Le projet théâtral porté par Aurélie Van Den Daele en collaboration avec la compagnie du Dagor se compose de deux pièces dont l’écriture a été commandée à deux autrices : Marylin Mattéi et Métie Navajo. Le projet met en avant les spectacles Comme si écrit par Marylin Mattéi et mis en scène par Aurélie Van Den Daele et Dans les ténèbres tout s’élance écrit par Métie Navajo et dirigé par la compagnie du Dagor. Ces textes inédits performés par les talentueux étudiants de la Séquence 10, promotion sortante de l’Ecole Supérieure du Théâtre de l’Union circuleront hors les murs de Limoges dès le 8 février dans une perspective de décentralisation culturelle. Le projet Les Comètes permettra ainsi de favoriser l’insertion professionnelle des comédiens tout juste diplômés ainsi que l’échange artistique sur l’ensemble des territoires ruraux et urbains. Une jolie façon de mettre en orbite des créations théâtrales contemporaines et originales dans toute la France.

Être(s) vivant(s)

Les deux histoires se déroulent au cœur d’une forêt, espace peuplé de rêves, de vie mais aussi de sorts tragiques. Là, le destin des personnages fait écho au devenir de la faune et de la flore malmenées par l’activité de l’Homme au fil du temps. Les deux spectacles articulent avec dextérité la question du vivant à celle de l’art du spectacle. Le spectateur fait face à un spectacle vivant sur le vivant. Une mise en abyme brillamment réussie qui convoque les nombreuses voix peuplant notre monde : les voix humaines bien sûr mais aussi les voix animales et végétales. Dans les Ténèbres tout s’élance, une double dimension entre la randonnée en forêt et la traque d’un chasseur expose avec force le rapport de l’Homme à la Nature, un rapport violent de domination, de sévices infligés. L’Homme chasse, tue, mutile la nature qui peine à se reconstruire. Le décor est illustré par quelques quelques arbres rachitiques que figurent des lampes longues et fines se dressant péniblement dans un brouillard que viennent illustrer leurs petites ampoules allumées. La matière du décor semble également avoir un rôle recherché. La région limousine avec ses espaces sylvestres et vallonnés aurait-elle inspiré le décor ? Le fond de scène, une micropièce ouverte, et un petit bloc au milieu de la scène tous deux faits de bois font office d’éléments naturels pour nous immerger dans cette forêt dépouillée où les arbres sont fauchés et les animaux chassés. Un cadre théâtral presque nu, à l’image d’une forêt décharnée dont ne subsistent que les hurlements de quelques bêtes à la nuit tombée, bêtes qui viennent confronter le chasseur à la fin du spectacle quant à son rôle dans l’histoire de l’univers animal et végétal. La question de l’être vivant fait ainsi écho à celle d’être vivant. Le spectacle Comme si interroge cette fragilité de l’existence, cet état de vivant. Les personnages jouent à se faire peur, à être morts puis à revenir à la vie dans leur cabane d’enfance. L’existence dans Comme si est alignée avec l’idée de deuil naturel et symbolique ainsi qu’avec celle de ressusciter le temps, un temps qui rend nos existences fugaces.

« Sur le fil du rasoir entre hier et plus tard »

Dans Comme si et dans Dans les Ténèbres tout s’élance, des amis se retrouvent après des années de séparation. Au cœur de leurs retrouvailles, le temps. Le temps de l’amitié, de l’insouciance, du rêve, un temps que les comédiens tentent de ressusciter à corps et à cris dans une nature devenue hostile et dépouillée de vie, à l’image d’une existence lointaine. Que reste-t-il de leur amitié, de leur repaire, de leur lieu sacré ? Si Dans les ténèbres tout s’élance expose le temps de l’après, un demain sombre et dystopique à la lisière du réel et du fantastique, Comme si interroge la question du demain avec de nombreux allers-retours entre passé et futur, dix ans plus tôt et dix ans plus tard comme l’affichent la date et l’heure sur le fond de scène représentant une forêt ceinturant un lac. Le temps passe, la nature trépasse. Les amis ne reconnaissent plus rien. Le temps a passé et a tout effacé. Le temps a fait son œuvre dans l’écosystème. La forêt a brûlé, le lac s’est asséché. Les humains sont expulsés, perdus dans une forêt dont il ne reste rien, témoignage d’un temps qui a détruit l’environnement. Comme si nous nous met face à la question du deuil à travers le pacte des quatre amis : celui de se retrouver après avoir découvert une chouette morte qui les a réunis face à cette compréhension brutale du caractère éphémère de la vie. Un hommage à la mouette d’Anton Tchekhov dont le prénom est gravé sur le bois de leur cabane. C’est cette confrontation à la mort qui nous montre la fragilité de l’existence, la ligne ténue entre passé, présent et futur, entre hier, aujourd’hui et demain. Nous vivons « sur le fil du rasoir entre hier et plus tard » explique le personnage de Ziz.

Les deux productions remettent l’humain à sa place : un vivant parmi d’autres, dont l’existence n’a pas plus de poids ou de force que celle d’un autre animal. Il est un prédateur mais aussi une proie, celle de la vie, de la mort et du temps.

Venez écouter ces récits engagés sur la question du vivant.

Plus d’informations ici.

 

Visuel : Dans les ténèbres tout s’élance – photo /© Thierry Laporte

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Mai Linh Tang Stievenard

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