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[Chronique] « Last Days » du Klub des Loosers : misanthropie sans paroles
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Que peut-on bien attendre d’un album du marginal et masqué Fuzati et de son Klub des Loosers sans la présence du flow torturé et déstructurant de son géniteur et de ses lyrics brillamment asociaux et existentialistes ? Pas grand chose, assurément, si ce n’est le fait de pénétrer un peu plus loin encore dans les méandres de l’esprit et de l’univers du plus fascinant parolier de la scène hip-hop alternative française.
Fuzati nous avait accoutumé avec ses deux premiers albums (Vive la Vie et La Fin de l’Espèce) à une tentative d’introspection personnelle approfondie et acide, mise en scène perpétuelle de sa propre personne (ou bien est-ce de son propre personnage ?) et de ses tourments existentiels les plus profonds. Mélancolie viscérale, dysphonie clinique, spleen baudelairien et misogyne, un mal-être d’une profondeur abyssale qui ne cessera de prendre la forme d’une misanthropie acérée (et hilarante) dès lors que l’auteur sera extirpé de sa solitude essentielle et rousseauiste.
Sur Last Days (astucieusement sous-titré « Soundtrack of an imaginary movie »), un disque intégralement instrumental (comme l’avait été l’expérimental Spring Tales, 2010), Fuzati continue à parler de lui et de la tristesse de son existence, mais le fait par le biais des samples et des instruments. C’est en tout cas ce qu’indique le synopsis de ce film fantasmé, intégré dans la pochette du disque, qui évoque le séjour à l’hôtel d’un homme masqué et traumatisé, résolu à n’accepter pour seule compagnie que sa solitude, son matériel musical, son docteur, sa came, et cette jeune fille travaillant à l’hôtel dont le personnage tombe rapidement éperdument amoureux…
Difficile de ne pas voir ici la propre expérience de Fuzati et la narration de la genèse de cet album expérimental, qui rassemble une vingtaine de titres élaborés par le versaillais depuis 2006 lors de longues nuits d’insomnie, piégé par l’emprise de l’alcool et de drogues diverses, alors qu’il se devait d’assumer l’exécution d’un job alimentaire la semaine pour pouvoir se livrer à ses créations artistiques la nuit et le week-end.
Si la plupart des morceaux sont principalement composés de dialogues audios et de boucles samplées articulées autour de sonorités acid-jazz (« Workaholic », « Prepared »), hip-hop (« The Lab »), funk (« The Trip »), ou même pop (« On His Own Way »), le rappeur a lui-même composé certains titres, élargissant ainsi la palette d’un artiste que l’on était alors loin d’imaginer musicien. Parfois guilleret (le très bon « Working Time » et son rock de drugstore étasunien d’avant-guerre), parfois carrément anxiogène (« Magic Pills ») ou immensément proche de l’univers habituel du rappeur (« Alone »), le disque, malgré une intelligence et qualité intrinsèque remarquable, accouche au final d’une frustration évidente tant les pistes de Last Days paraissent faite pour accueillir le flow dévastateur et érudit du plus singulier auteur hip-hop de sa génération.
Si Last Days pourrait être le premier d’une série de disques exclusivement instrumentaux, que les fans se rassurent toutefois : en marge de la promotion de la Fin de l’Espèce, son disque follement addictif sorti en 2012, le rappeur masqué avait annoncé la parution prochaine d’un album basé sur des punchlines vindicatives et répétées à l’encontre de la scène rap française…En attendant ce retour aux sources, vous pouvez vous, écouter le cd en exclusivité sur Soundcloud via le site de Libération, ou bien vous repasser quelques perles du dernier album rappé du Klub des Loosers…
Visuel : © pochette de Last Days de Fuzati
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2 thoughts on “[Chronique] « Last Days » du Klub des Loosers : misanthropie sans paroles”
Commentaire(s)
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lele
sauf que c pas leur premier album instrumental gros
Bastien Stisi
On est d’accord. La démarche était toutefois bien différente sur Spring Tales. Mais tu as raison, il faut le faire apparaître plus clairement.