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[Live Report] Stéphane Huchard embrase le festival Jazz à Saint-Germain au Café de la Danse

[Live Report] Stéphane Huchard embrase le festival Jazz à Saint-Germain au Café de la Danse

18 May 2013 | PAR Camille Hispard

Le batteur français Stéphane Huchard offrait hier soir une prestation époustouflante au Café de la Danse, à l’occasion du festival Jazz à Saint-Germain-Des-Prés, électrisant un public conquis.

IMG_1295Le jazzman aux cymbales flamboyantes fait son entrée sous les briques intenses du Café de la Danse, accompagné de son groupe aux accents internationaux. Les percussions folles et animales commencent alors à envahir nos ondes sensorielles. Stéphane Huchard présente son nouvel album Panamerican enregistré à New-York et réalisé par l’excellent pianiste Eric Legnini. Sur scène, le batteur prodige fait face à l’exubérant percussionniste argentin Minino Garay. Ce dernier fait figure de multi-intrumentiste, tant il cumule les petits accessoires aux sonorités tribales. Congas, bongos, cajon, cloches, tambourins, triangle, et autres gadgets de percussions qu’il sort de son chapeau en vrai magicien de son art. Deux rythmes en face à face, deux métronomes de folie dans une battle féroce et jubilatoire. Ces deux forces de la nature sont soutenues par un guitariste électrique, un saxophoniste, un pianiste et un contrebassiste.

Les beats endiablés commencent, jouissifs et obsédants. Les corps des deux batteurs de rythmes caressent et fessent les peaux tendues comme des arcs, alternant des sons de bossa nova et de cha-cha par moment. Le contrebassiste à la mèche folle et aux cheveux gominés qui rappelle l’allure de Django Reinhardt, glisse sur les basses avec fièvre. Minio Garay, se rue sur ses tambours dans une transe orgasmique contagieuse. Il se lève parfois pour danser, pris dans le tourbillon énergétique. Le petit prodige de la guitare électrique au touché fluide et inspiré serre merveilleusement Stéphane Huchard, au sommet, faisant corps avec ses cymbales explosives.

Ce batteur de génie fait preuve de nuances d’une subtilité prodigieuse et rare qui en font des instants de susurrement limpide. Après deux morceaux qui nous mettent le feu à la bouche, Stéphane Huchard prend le micro et présente son collectif, introduisant les chansons écoulées.

IMG_1298Généreux et modeste, il nous fait partager sa bonne humeur et son plaisir de jouer qui font du bien dans cet univers jazz parfois si conventionnel. Il se permet même une petite blague sur le nom de la première chanson, “Sleepless“, offrant une première traduction, “sans sommeil” suivie d’une seconde, beaucoup plus conceptuelle : “sans slip”. D’un naturel revigorant qui nous donne envie d’aller boire des coups avec lui à la sortie, il donne le titre de la deuxième démonstration “Bancal Cha-Cha” et enchaine avec “Melodic City“, en hommage à la grosse pomme.

Des “Wouhou” dans la salle accompagnent les solos explosifs et tonitruants des talentueux musiciens. Stéphane Huchard est tout simplement magistral en chef d’orchestre heureux et décomplexé qui mène sa troupe d’une baguette de feu. Arc-bouté sur son piano à queue, le pianiste fait galoper ses phalanges avec audace et cadence vertigineuse. Les délires cosmiques du guitariste nous transportent en même temps que sa prose planante se fixe sur son manche. Ça va crescendo avec “Boogaloo King“, une ode à Eric Legnini. Ils envoient une sauce tribale qui exhorte au public des forts dodelinements de la tête. Ça monte dans les cœurs et dans les pieds, et le piano enflamme les gammes.

On regrette parfois le jeu un peu lisse du saxophoniste qui, malgré une technique parfaite incontestable, ne parvient pas suffisamment à déstructurer son instrument aux sonorités ultra exploitées en jazz. Cela manque de crasse et de folie. Il nous offre cependant des solos transcendants vraiment remarquables.

Le tempo des batteries entêtantes nous fracture le cerveau sans effraction, d’un consentement absolu. Tambours primitifs rebondissants sur la caisse claire et la charleston, Stéphane Huchard, somptueux, entame un solo d’une nuance et d’une délicatesse ultime. Tel un derviche tourneur, il nous entraine dans sa danse tourbillonnante et possédée. Il est rejoint par ses merveilleux comparses pour arborer “Sacrés Lascars“, extrait de l’album Toutakooticks (2001) ainsi que “Just an Herbie Vore”. On plonge alors parfois dans un univers étrange et sauvage aux mélodies savoureusement destructurées.

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Le percussionniste fait le show et chorégraphie ses déplacements se frappant le corps rugueusement, percus en main. Avec “Groovy Side“, ils prouvent définitivement qu’ils sont des groovers dans l’âme hallucinants. Puis on se tortille sur “Find a New World”, et le percussionniste à la chevelure folle entame une danse, petits oeufs maracas aux pieds, et triangle dégénéré aux mains, partant dans une samba endiablée.



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Stéphane Huchard heureux et fier de sa troupe nous quitte avec “Happy New York”, souvenir d’une nouvelle année passée en studio à New York, qui nous laisse le goût d’une soirée magique empreinte d’une sensation rare : celle d’avoir été là, à ce moment précis, avec des artistes merveilleux, et d’avoir été plus que jamais vivant, grâce à leur musique aux passions brulantes.

Visuel (c) : Photos Camille Hispard.

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Camille Hispard

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