Musique

Mai et Johanna : contemplation jour, création nuit

12 March 2011 | PAR Pascal

Depuis quelques d’années en France, Johanna Wedin ne connaissait que les paysages fantasmagoriques de Höga Kusten (les hautes côtes) en Suède dont elle est native. Chanteuse de toute une culture nature mêlée d’accents pop et jazz, avec forêts profondes et mers intérieures, délivrent ses chansons d’une voie royale, élégante, de cette timidité passagère qui préfigure les divas du jazz. Le timbre est sûr, la technique affirmée, les thèmes envoûtants et le travail démesuré. Dure vie de l’indépendance. Son alter ego Fred Fortuny (Brisa Roché) forme avec notre auteur interprète et pianiste le groupe Mai, dont elle et sa candeur volontaire gèrent l’image. Ils se produiront successivement dans le cadre du festival chorus et sur la scène de la Maroquinerie.

Quand on lui demande son nom, ses grands yeux  verts, lacs de son visage pâle hésitent un instant dans l’horizon du bar de la Marine et des quais du dixième arrondissement où nous déjeunons. « Je suis Johanna Wedin de Mai. C’est ainsi qu’il faut l’écrire. » Johana de l’hiver ; l’inquiétude sensible et artistique du dépaysement, des matins plus froids que dans son cercle pôlaire quand on sait le long chemin de patience qui mène au label. Johanna de Mai : la quiétude d’une chanteuse douée et visionnaire qui a laissé l’impatience et l’excitation du premier single de l’autre côté de la Manche.

Elle a pris du recul me souffle-t-elle. Sa technique vocale s’est perfectionnée. Elle prend le temps, le temps du jour, le temps de la nuit, comme les deux saisons de son pays natal. « J’accepte la situation. » Entendez, les concerts gratuits, des bars aux grandes scènes parisiennes (Olympia en première partie de Da Silva et la Cigale pour le festival des Inrocks, invitée par le label Bella Union). « Je prends mon temps pour faire les choses. » Elle accomplit un chemin d’adolescence musicale, car, même si son idéal « Why don’t you do right » de Peggy Lee chante dans sa tête comme un horizon musical, elle va vers la modernité, les risques, les boîtes à rythmes, les boucles, la pop. Il en est ainsi de son dernier album « Silent seduction ». Elle et lui, Fred, testent tous les titres à la guitare, live. Elle, sans son piano fétiche « fender rhodes » – la rolls du funk, de la soul, du jazz fusion dont elle joue admirablement – pousse ainsi ses limites dans le ton et le timbre, la visibilité devant un public pour cette, jadis, timide. Silent seduction, titre du prochain EP cinq titres, est un concept qui lui va comme le bandeau qui orne sa blondeur et ses yeux perçants. Il n’en est pas moins une chanson que l’on peut trouver sur le deezer suédois : Spotify.

Trois titres en anglais : Our ghosts, I did nothing, In front of my mirror.

Un titre en suédois : Vad var , traduction d’un poème de Samuel Beckett.

Un titre en français : Si tu vas partir (vas y maintenant) dans une adaptation du groupe anglais folk Fairport convention de la chanson de Bob Dylan « If you gotta go, go now »

Résumons ses confidences. « Je viens d’un pays aux grands arbres, d’une maison sur deux niveaux en bois rouge. Derrière, la forêt profonde. Un peu plus loin la mer Baltique, ma mer intérieure dans laquelle je me baignais nue. Si je devais faire autre chose que chanter et composer ? Non, la musique est la durée. Je viens d’une région qui ne connait que deux saisons, le jour, la nuit. Ici, le jour, je suis dans la réflexion, la contemplation de la nature qui me manque. La nuit, urbaine et parisienne, je suis dans la création. »

Elle se nomme Johanna Wedin, de Mai. Parions qu’elle deviendra après ses aventures pop folk, une chanteuse de jazz, avec ses standards propres et ceux des autres, les plus difficiles à mettre en swing et bouche, car connus de tous. Mais une fille qui se baigne dans la mer baltique, n’a pas la chair de poule, ni froid aux yeux. A la rédaction, nous sommes dans la séduction silencieuse, et l’attente de voir un grand label la signer. Aujourd’hui, elle est éditée dans la très belle maison Strictly confidential. Ca ne s’invente pas. Son prochain album « sweet unrest » sortira en mai. Ca ne s’invente pas non plus.

Pascal Szulc.

 

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