Classique
Un concert « pour résister » A la Philharmonie de Paris  avec l’Orchestre de Paris et Jaap van Zweden

Un concert « pour résister » A la Philharmonie de Paris avec l’Orchestre de Paris et Jaap van Zweden

11 April 2022 | PAR Jean-Marie Chamouard

A la Philharmonie l’Orchestre de Paris interprète le 7 et 8 Avril 2022 sous la direction de Jaap van Zweden, la cinquième symphonie de Dmitri Chostakovitch et la cinquième symphonie de Ludwig van Beethoven.

Les concerts consacrés à Prokofiev du 7 au 10 Avril 2002, sous la direction du chef russe Valery Gergiev ont été annulés pour cause de guerre en Ukraine. L’orchestre de Paris a choisi comme alternative, deux œuvres qui portent le même message politique fort : un message de résistance face à la violence et à l’oppression. L’orchestre est dirigé ce soir par le chef Néerlandais Jaap van Zweden (né à Amsterdam le 12 décembre 1960). Violoniste de formation, il mène une carrière internationale de chef d’orchestre depuis plus de 20 ans. Il est directeur musical de l’orchestre philharmonique de New York depuis 2018.

Une symphonie pour ne pas disparaitre

« Tôt le matin, le compositeur entre prudemment dans la salle, sur la pointe des pieds, ouvre le piano et se met à jouer et à noter quelque chose sur un papier à musique ». Avril 1937. Chostakovitch séjourne dans une maison de repos en Crimée. Il est en disgrâce, sa musique proscrite par le régime. Trois mois plus tard en rentrant à Moscou, la 5ème symphonie est quasi terminée. Son titre est éloquent : « la réponse d’un artiste soviétique à de justes critiques ». Une concession au pouvoir pour survivre et poursuivre son œuvre de sourde résistance à la dictature. La symphonie sera un succès lors de sa création, le 21 novembre 1937 à Leningrad. Le compositeur a recherché simplicité et accessibilité. La musique est post romantique, inspirée en particulier par celle de Tchaïkovski.
Le premier mouvement, Modérato, est un canon de cordes. Le chant des violons est soutenu par la basse continue des violoncelles et contrebasses. C’est une complainte, évoquant un paysage froid, hivernal. L’orchestre se déchaine ensuite, comme sous l’emprise des forces du mal, avant une fin toute en délicatesse. L’interprétation de Jaap van Zweden met en valeur la richesse de l’orchestration. Le deuxième mouvement, Allégretto est joyeux, dynamique, inspiré du folklore russe, l’auditeur croit entendre parfois une fanfare. Le Largo est une méditation. La douceur, le recueillement évoquent, discrètement, la liturgie orthodoxe. C’est un étonnant dialogue entre les instruments souvent en solos successifs. Le duo de la flûte et de la harpe est émouvant. Un bouleversement brutal rompt cette ambiance tamisée, avant une fin toute en douceur. Le violon s’éteint peu à peu, la harpe seule achève le mouvement. Superbe. L’allégro final éclate triomphalement : timbales, cymbales, tambours soutiennent cette marche victorieuse mais à la gloire de qui … ?

Le héros romantique face à son destin

1807-1808. Lorsque Beethoven écrit la 5ème symphonie il est très affecté par la violence des guerres napoléoniennes et par l’aggravation de sa surdité. Célébrissime « symphonie du destin ». Le premier mouvement, avec les deux fois quatre notes de son thème si simple, est un roc, un bloc d’énergie et de courage. Le thème se démultiplie à l’infini. L’interprétation de Jaap van Zweden en renforce la dimension tragique. Energie, vigueur, solidité, le chef incarne parfaitement la figure de l’Homme face à un destin tragique. Le bref solo de hautbois confronte le héros romantique à sa solitude. La mélodie de l’andante est superbe, initialement portée par les violons altos et les violoncelles. Un peu d’insouciance qui alterne avec des accents grandioses voire martiaux. Le troisième mouvement est un scherzo mystérieux, inquiétant. Il est interrogatif, contrasté mais les répits sont brefs face aux injonctions du destin. Après un crescendo grandiose il enchaine directement avec l’allégro final. En ut majeur, il met en jeu toute la puissance de l’orchestre symphonique. La musique est majestueuse, l’énergie triomphante l’accélération finale époustouflante. L’Homme est victorieux .Sa victoire est totale.
Chostakovitch et Beethoven ont su sublimer leur révolte et leur souffrance dans des créations musicales inoubliables. L’orchestre de Paris nous a offert ce soir deux œuvres majeures du répertoire, interprétées avec expressivité et conviction.

Visuel :© JMC

Quand la différence est un atout. Réflexions d’une psychologue clinicienne sur les forces des surdoués en situations de crise
Marie Curie, ma mère : Irène Joliot-Curie raconte.
Avatar photo
Jean-Marie Chamouard

Publier un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Your email address will not be published. Required fields are marked *


Soutenez Toute La Culture
Registration