Musique
Asna : « L’électronique, c’est un peu le domaine de tous les possibles »

Asna : « L’électronique, c’est un peu le domaine de tous les possibles »

21 December 2022 | PAR Rodolphe Pete

La dj ivoirienne Asna a participé pour la première fois aux Transmusicales de Rennes. Sur la Green Room du parc des expositions, ses cavalcades techno puisées dans ses racines africaines ont fait sensation. A l’image de son morceau Abissa. Rencontre.

 

C’est votre première fois au festival, qu’est-ce que vous connaissiez des Transmusicales ?

Je savais juste que c’était un festival qui avait une certaine notoriété et renommée, l’un des plus grands de France.

Comment s’est passé le contact avec les organisateurs ?

C’est avec mon agence de booking (Wart), qui est habituée à travailler avec les Transmusicales, que le lien s’est fait.

Qu’est-ce qui, selon vous, a déterminé leur choix ?

Je n’ai pas envie d’être prétentieuse, mais je pense que le style de musique que je joue, très hybride, c’est peut-être ça qui fait une sorte de nouveauté et de différence.

Justement, qu’est-ce qui fait votre différence ?

Déjà, je n’arrive pas à qualifier ce que je fais, à mettre ma musique dans une catégorie. Il y a de l’électro, c’est très percussif, il y a du rythme, c’est très imprégné de ma culture et de mon identité africaines. J’explore tout ce que l’électronique permet.

Dans l’électronique, qu’est-ce qui vous a marqué et influencé ?

Je suis quelqu’un de très spirituel et j’ai découvert quelque chose d’infini dans la spiritualité. Je retrouve ça dans l’électronique. Son univers permet une infinité de choses et d’expérimentations, avec encore tout un domaine d’inconnus qui me fascine. Il y a certes beaucoup de possibilités dans l’organique mais parfois, on se retrouve limité. L’électronique, c’est un peu le domaine de tous les possibles. C’est cet illimité qui m’a permis de mettre en forme l’idée que j’avais de la musique.

Quels sont les artistes vous ont donné envie de passer le cap ?

Je suis une grande fan des Daft Punk. Quand j’étais plus jeune, je disais ‘‘je veux faire pareil’’. Puis en m’intéressant, j’ai découvert l’expérimental, ces machines qui permettent de générer des sons. Je suis autodidacte, je vais dans des studios, je rencontre des gens, je demande comment ça marche. J’ai rencontré Praktica et j’ai beaucoup appris, c’est un peu avec lui que j’ai fait mes premiers pas. Je ne suis pas autonome mais j’essaie d’être toujours dans cet apprentissage et cette recherche.

Quand on vient aux Transmusicales, on prépare quelque chose de spécial ?

Je prépare toujours mes sets, j’essaie de raconter une histoire, d’avoir quelque chose de cohérent, de créer des rythmes, emmener le public avec moi dans ce voyage, pas simplement passer des morceaux.

Le public vous influence dans l’évolution du set ?

Ah oui, énormément. C’est l’essentiel. Je ressens énormément cette énergie. Je suis vraiment connectée au public, je n’arrive pas à faire abstraction de ça. Je pense que ça vient aussi de ma culture. Chez nous, la musique, c’est quelque chose de vivant, c’est une extension de l’être. On célèbre en musique, on est triste en musique, elle raconte quelque chose. Je le donne et il faut que ce soit reçu !

Les musiques électroniques en Afrique sont davantage connues aujourd’hui. Vous le percevez ?

Oui, c’est vrai, on a l’Afrique du Sud et l’Afrique de l’Est, qui sont des pionniers. Il y a toute une génération et un mouvement des musiques électroniques dont je fais partie. C’est aussi l’influence de cette globalité dans laquelle on est aujourd’hui. Il n’y a plus vraiment de frontières. On est une dans une mondialisation avec Internet qui a énormément facilité les choses.

Cette musique, vous préférez la créer seule ou entourée ?

La faire ensemble, c’est essentiel. Même si, dans un processus créatif, on a besoin, à un moment donné, d’une sorte d’autarcie pour concevoir avec clarté. Mon dernier morceau, Abissa, je l’ai fait avec un producteur parisien, Anyoneid. Seule, ça n’aurait pas donné ce que c’est. L’histoire de ce track vient de la première fois où j’ai entendu les percussions de cette célébration, je me suis dit : ‘‘ce sont les mêmes rythmes que j’entends dans la techno berlinoise, alors que ce sont des tambours de chez moi, il fait que je fasse quelque chose.’’ J’avais déjà le truc dans la tête mais moi je ne maîtrisais pas ce côté techno et trance. Du coup, cette rencontre a donné ce titre.

C’est un processus qui vous prend du temps ou est assez rapide ?

Pour mes deux projets, c’est allé assez vite. Ce qui a pris du temps, c’est la réalisation visuelle, les clips. Pour moi, l’aspect visuel est important, je vois la musique. Quand j’entends quelque chose, il y a tout de suite une histoire qui vient avec, une émotion.

Être une femme dans ce milieu très masculin, comment vous le percevez ?

On est de plus en plus nombreuses, c’est un aspect positif. J’ai beaucoup de chances à mon niveau en tant qu’Ivoirienne. Cette société est matriarcale, la femme a donc une place reconnue. J’ai passé quatre ans au Maroc pendant mes études, c’est un peu plus compliqué pour mes consœurs là-bas. Mais on est à un moment où la femme est reconnue pour ce qu’elle est et on tend vers une équité pour laquelle on se bat depuis pas mal de temps. Celles qui étaient avant moi ont fait le plus gros du combat mais il y a encore beaucoup à faire. Et en tant que dj, il y a une vague de femmes qui arrivent en Côte d’Ivoire, je suis trop contente de voir ces petites sœurs mixer, ou dans d’autres métiers dans lesquelles on ne les attendait pas. Elles prennent possession de leur liberté.

Cette émergence, vous en voyez une explication ?

Parce qu’il y en a d’autres qui ont osé le faire avant nous. Je ne sais pas si je serais sortie de ma chambre un jour si je n’avais pas vu d’autres filles mixer devant tout le monde. Je sais que ma rencontre avec la dj ougandaise Kampire m’a beaucoup rassurée, lors de mon premier festival au Burkina Faso. Je me suis dit : ‘‘ah oui, c’est possible’’. A ce moment-là, j’ai davantage pris confiance en moi.

photo (c) Rodolphe Peté

 

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