Polars
« Il était deux fois » de Franck Thilliez : Un puzzle dans un puzzle

« Il était deux fois » de Franck Thilliez : Un puzzle dans un puzzle

21 August 2020 | PAR Julien Coquet

Dans son dernier roman, l’un des maîtres français du polar revisite l’une de ses œuvres antérieures, Le Manuscrit inachevé.

Quiconque entre dans Il était deux fois doit s’attendre à être chahuté : la violence et le réalisme de l’affaire sordide ainsi que les multiples pistes ouvertes au cours des pages constituent le réel attrait du roman. Au départ, le lieutenant de gendarmerie Gabriel Moscato est tout autant perdu que vous. Comme Leonard Shelby dans le thriller Memento de Christopher Nolan, Gabriel Moscato a perdu la mémoire, atteint d’une amnésie psychogène atypique. « Un mécanisme, en vous, s’est mis en place pour établir un pont entre votre vie d’avril 2008 et aujourd’hui, en occultant la totalité des événements à la fois personnels et sémantiques qui se sont déroulés pendant ces douze dernières années ».

Gabriel Moscato se retrouve bloqué à la nuit du 9 au 10 avril 2008, nuit où il s’est endormi dans un hôtel situé au cœur des montagnes, alors qu’il enquêtait sur la disparition de sa fille. De ces 12 ans passés, Gabriel n’a aucuns souvenirs. Prenant contact avec ses anciens collègues et sa famille, Gabriel est persuadé d’une chose : les années qu’il a passées à enquêter sur la disparition de Julie l’ont conduit au plus proche de la vérité. Tel La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, Gabriel refait le chemin inverse pour retrouver celle qu’il a promis de sauver.

On sent que Thilliez mélange avec plaisir les thèmes qu’il n’arrête pas d’aborder : meurtres abominables, disparition d’enfants, sociétés secrètes, paysages hostiles. L’abondance de ces thèmes rebattus fatigue un peu, et envisager le crime comme une forme d’art n’est pas nouvelle (De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts de Thomas de Quincey, The House that Jack built de Lars von Trier). Ce qui est intéressant dans Il était deux fois est la manière dont Thilliez rattache son dernier roman à son antépénultième : Le Manuscrit inachevé. Le lecteur pourra certes lire les deux distinctement mais la lecture de l’un puis de l’autre permettra d’apprécier la mécanique implacable du puzzle. A moins de voir justement en Il était deux fois un réchauffé du Manuscrit inachevé.

« – Je ne sais pas, je ne pourrais même pas vous dire si c’est le travail du même artiste. Vu le sujet, ça sent la transgression, et donc l’art contemporain. Mon père en était très amateur, il commandait des tas d’objets et de photos qu’il voyait dans les musées ou les galeries ; il y en a partout dans la maison, venus du monde entier.
Paul fit quelques prises de vue avec son téléphone. Ils se remirent en marche et atteignirent le bureau. Le gendarme avait la sensation d’évoluer dans une exposition retraçant l’histoire de la police scientifique, avec les vieux crânes jaunâtres alignés sur des étagères, l’impressionnant squelette d’étude veiné de traits noirs et de chiffres, les affiches de mesures anthropométriques qui tapissaient un mur : des faciès de criminels des années 1900, dont on avait mesuré l’écartement des yeux, la longueur du nez, la hauteur du front, pour en déduire leur propension au crime. »

Il était deux fois, Franck Thilliez, Fleuve Noir, 528 pages, 22,90 €

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Julien Coquet

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