
Quand Mick Jackson se glisse dans la peau d’une veuve
Depuis quelque temps, les récits de veuvage au féminin se multiplient, de L’Année de la pensée magique (2007) de Joan Didion à J’ai réussi à rester en vie (2011) de Joyce Carol Oates. Un sous-genre de la littérature de l’autofiction qui semble avoir inspiré Mick Jackson, auteur britannique remarqué dès la parution de son premier roman en 1995, The Underground Man en 1995.
Le Journal de la veuve est en effet le récit par la narratrice de son échappée belle suite au décès brutal de son époux. Une fuite qui achoppe d’abord sur des détails pratiques – le trajet en voiture jusqu’au Norfolk, la location d’une ancienne maison de pêcheur, les conditions de vie rudimentaire – avant de s’élever peu à peu vers une réflexion plus abstraite sur son passé, son couple, les vicissitudes de leur vie commune.
Si l’auteur ne se donne jamais la peine de nous rendre son personnage sympathique – sa veuve se complait dans une misanthropie affichée, dans une douce aigreur qui vise aussi bien les objets du quotidien que les individus croisés mais jamais fréquentés -, nous finissons tout de même par éprouver de l’empathie pour cette femme, pour son combat solitaire. C’est au final l’histoire éprouvante d’un possible retour à la vie, quand celle-ci ne dit plus rien qui vaille.
Un récit en apnée, qui respire toutefois grâce à de belles descriptions de cette région que nous connaissons peu, le Norfolk, campagne britannique donnant sur la mer du Nord, soumise à une météo capricieuse et venteuse.
« Le visage de la jeune femme nous regarde au sommet d’un amoncellement de velours d’un noir profond. Ses mains, méticuleusement croisées sur une paire de gants crème, constituent la seule autre source de lumière. Mais c’est son regard calme qui nous retient. Dès lors qu’elle a accroché le nôtre, plus moyen de s’en détacher. » p. 171
Le journal de la veuve, Mick Jackson, traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Chédaille, Christian Bourgois, 280 pages, 15 €. Parution février 2012.