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Le meilleur des mondes et Temps futurs d’Aldous Huxley, science fiction ou esprit visionnaire ?

Le meilleur des mondes et Temps futurs d’Aldous Huxley, science fiction ou esprit visionnaire ?

19 June 2013 | PAR Le Barbu

2013 marque le 50ème anniversaire de la mort d’un écrivain de légende, Aldous Huxley. Son chef-d’oeuvre, Le Meilleur des mondes, publié pour la première fois en 1933, est un roman intemporel, visionnaire et terriblement actuel. Il est réédité depuis le mois de mai, ainsi que Temps futurs, dans la très belle collection Feux Croisés aux éditions PLON qui sortira aussi en octobre prochain Retour au meilleur des mondes et île.

Au même titre que Orwell, Huxley est un génie littéraire et visionnaire dont les ouvrages sont devenus des classiques. Il a su élaborer dans les années 30 un monde imaginaire où les similitudes avec notre réalité contemporaine sont parfois troublantes et dépassent largement la fiction.

huxley1Sous le titre ironique Le Meilleur des mondes, Huxley nous propose un univers où la technologie et la science ont remplacé la liberté et Dieu. L’action du roman se situe en 632 après Ford. Désormais les années se comptent à partir de l’invention de la voiture à moteur. La vie humaine est complètement anesthésiée, conditionnée, et répartie dans des castes. La reproduction sexuée a disparu, les êtres naissent in-vitro, la sexualité n’est qu’un loisir, et les émotions ainsi que les sentiments ont été remplacés par des sensations et des instincts programmés. La société est organisée, hiérarchisée et uniformisée. Tout est maitrisé, discipliné, rangé par catégorie, dans un monde où chacun concourt à l’ordre général. Les êtres travaillent, consomment et meurent sans jamais revendiquer, apprendre ou contester, et l’éventuelle instabilité mentale est régulée par le Soma. Le Soma est une substance apparemment sans danger qui peut, à forte dose, plonger celui qui en prend dans un sommeil paradisiaque. Le Soma n’a aucun des inconvénients des drogues que nous connaissons aujourd’hui. Il se consomme sous forme de comprimés distribués au travail en fin de journée. Cette substance est le secret de la cohésion de cette société : grâce à elle, chaque élément de la société est heureux et ne revendique rien. Les individus de toutes les castes se satisfont de leur statut par le double usage du conditionnement et du Soma. Mais un homme est né dans ce monde avec un père et une mère. Cet homme, ce « sauvage » a des sentiments, des rêves, lit Shakespeare, et représente un réel danger pour « ce monde civilisé ».

Le Meilleur des mondes est un ouvrage troublant, un véritable choc, complètement actuel et intemporel et qui décrit une société si proche de la notre qu’on se demande presque si Huxley, si justement lucide sur la nature humaine, n’était pas un peu voyant…

TEMPSFUTURSDans les Temps futurs, 2108, la troisième guerre mondiale a pris fin depuis déjà plus d’un siècle mais les stigmates des destructions atomiques n’ont pas disparu. L’humanité a été décimée par les massacres chimiques et bactériologiques qui ont généré des mutations irréversibles. C’est à la découverte d’une nouvelle humanité née des retombées nucléaires dont l’instinct sexuel est devenu saisonnier que va se lancer le professeur Poole, spécialiste néo-zélandais de botanique, dont l’île continent a été miraculeusement épargnée. A travers le scénario d’un film, Temps futurs, Huxley évoque l’avenir cauchemardesque du troisième millénaire.

Au moment où Aldous Huxley a rédigé Temps futurs, il était parti pour la Californie et cherchait à travailler pour les grands studios de cinéma d’Hollywood. C’est cela qui lui a sans doute donné l’idée de la forme de ce texte qui ne se présente pas comme un roman classique. Il s’agit en fait de l’histoire d’’un scénario de film sauvé in extremis du cataclysme nucléaire. Après un long prologue qui nous explique l’origine du scénario, nous découvrons le fameux document signé par un certain William Tallis.

On retrouve dans ce roman les obsessions sexuelles d’Huxley ainsi que son idéologie politique de méfiance vis à vis du progrès, et alimentée par la peur du nucléaire. Il témoigne aussi d’un profond pessimisme sur l’avenir de l’espèce humaine où l’homme est à la fois ange et démon.

Temps futurs n’est pas le titre original du livre, ni même une traduction de Ape and Essence... Il est emprunté à des vers de Victor Hugo : « Temps futurs, vision sublime ! Les peuples sont hors de l’abîme, Le grand désert est traversé ; Après les sables, la pelouse, Et la terre est comme une épouse, Et l’homme est comme un fiancé. »

« Le monde est stable, à présent. Les gens sont heureux ; ils obtiennent ce qu’ils veulent, ils ne veulent jamais ce qu’ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l’aise ; ils sont en sécurité ; ils ne sont jamais malades ; ils n’ont pas peur de la mort ; ils sont dans une sereine ignorance des passions et de la vieillesse ; ils ne sont encombrés de nuls pères ni mères ; ils n’ont pas d’épouses, pas d’enfants, pas d’amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes ; ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s’empêcher de se conduire comme ils le doivent. Et si par hasard quelque chose allait de travers, il y a le soma. [ …] Et il y a toujours le “soma” pour calmer votre colère, pour vous réconcilier avec vos ennemis, pour vous rendre patient et vous aider à supporter les ennuis. Autrefois, on ne pouvait accomplir ces choses-là qu’en faisant un gros effort et après des années d’entraînement moral pénible. A présent, on avale deux ou trois comprimés d’un demi-gramme, et voilà. Tout le monde peut être vertueux, à présent. On peut porter sur soi, en flacon, au moins la moitié de sa moralité. Le christianisme sans larmes, voilà ce qu’est le “soma”. »

(Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes)

Editions Plon, collection Feux Croisés

Le Meilleur des Mondes et Temps futurs sont en librairie depuis le 16 mai 2013.

Retour au meilleur des mondes et Île sortiront en octobre 2013.

Prix indicatif entre 16 et 20 euros.

Par Alice DUBOIS et Le Barbu.

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Le Barbu
Le Barbu voit le jour à Avignon. Après une formation d'historien-épigraphiste il devient professeur d'histoire-géogaphie. Parallèlement il professionnalise sa passion pour la musique. Il est dj-producteur-organisateur et résident permanent du Batofar et de l'Alimentation Générale. Issu de la culture "Block Party Afro Américaine", Le Barbu, sous le pseudo de Mosca Verde, a retourné les dancefloors de nombreuses salles parisiennes, ainsi qu'en France et en Europe. Il est un des spécialistes français du Moombahton et de Globalbass. Actuellement il travaille sur un projet rock-folk avec sa compagne, et poursuit quelques travaux d'écriture. Il a rejoint la rédaction de TLC à l'automne 2012 en tant que chroniqueur musique-société-littérature.

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