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“Le Bourgeois versifié” de Jacques Jouet, une fête du langage

“Le Bourgeois versifié” de Jacques Jouet, une fête du langage

18 May 2017 | PAR La Rédaction

Les Éditions P.O.L publient un très réjouissant « Bourgeois versifié », sous-titré « Le Bourgeois gentilhomme au plus près de Molière ». C’est à Jacques Jouet que l’on doit cette mise en alexandrins, musicale, inventive et pourtant fidèle, des déboires du pauvre Monsieur Jourdain. Une fête du langage à ne surtout pas manquer.

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Jacques Jouet s’amuse. C’est certain. Et nous avec. Ce Bourgeois versifié est l’une des plus belles réussites de ce printemps. Membre de l’Oulipo depuis 1983, Jacques Jouet est un virtuose de l’écriture sous contrainte. La postface nous renseigne sur la genèse du projet : « Je n’avais pas d’abord d’autre intention que de « traduire » en alexandrins la fin de la scène 4 de l’acte II du Bourgeois gentilhomme pour la drôlerie du paradoxe formel qui s’ensuit. »
Qu’il est jubilatoire, en effet, ‘d’entendre’ Monsieur Jourdain s’étonner de ce qu’il parle en prose sans le savoir… en alexandrins impeccables. La prouesse ne réside pas seulement dans une acrobatique transcription. Il y a, sans jamais trahir le texte ‘source’, des libertés, çà et là, qui donnent du rythme à une entreprise de versification massive. De plaisants anachronismes : «  Quoi ? quand je dis : « Nicole, apportez mes pantoufles / Et mon bonnet de ski, mes après-ski, mes moufles ! » / C’est toujours de la prose ? ». Des archaïsmes , comme « tintouin » attesté depuis 1628 et des emprunts à des topoï classiques « J’y vais, j’y cours, j’y vole ». Des changements de registre : « (…) Noce bien imprudente / Que celle qui prétend à plus haut que son cul. » (mais on imagine parfaitement la pragmatique Madame Jourdain parler ainsi).
L’œuvre de Molière est une alternance de pièces en vers et de pièces en prose. Le dramaturge de génie a été sévèrement critiqué par toute une génération au XVIIème siècle. En 1697, Bayle jugeait durement  : « Molière avait une facilité incroyable à faire des vers, mais il se donnait trop de liberté d’inventer de nouveaux termes et de nouvelles expressions. » En 1689, La Bruyère écrivait : « Il n’a manqué à Molière que d’éviter le jargon et d’écrire purement. » Où se situe le sacrilège ? Prétendre que Molière était un piètre écrivain ou mettre en alexandrins l’une de ses comédies en prose ? Jacques Jouet, à travers son projet, se moque des critiques pisse-froid et s’amuse avec la langue de Molière comme un enfant qui imiterait son professeur pour faire rire la classe et susciter l’admiration.

Jacques Jouet, Le Bourgeois versifié (Le Bourgeois gentilhomme au plus près de Molière), Éditions P.O.L, avril 2017, 208 pages, 15€

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