
La résistible ascension de Lionel Asbo par Martin Amis
L’auteur britannique des “Rachel papers” fait un point électrique de « l’état de l’Angleterre » à travers une fable cruelle sur un petit malfrat qui passe de la prison au statut de multi-millionnaire. Une histoire grouillante de vie où la bouffe et l’esbroufe se passent de morale.
Lionel Asbo est aux yeux du jeune Desmond alias « Des » cet homme fort et plein d’assurance qui lui manque dans sa vie. Quasi-orphelin, Desmond se retrouve à l’adolescence dans le lit de sa grand-mère. A l’inceste s’ajoute le non-dit d’un camarade de classe « puni » par l’oncle Lionel et qui disparaît dans la nature. Pendant que, bon an mal an, « Des » avance doucement jusqu’aux hautes études, se trouve une charmante copine et finalement un job de journaliste, Lionel Asbo joue, lui, à la roulette russe. Envoyé en prison, non pas pour ses activités crapuleuses mais pour son seul crime de cœur, il gagne une somme faramineuse au loto et gère son argent avec brio de derrière les barreaux. Un arriviste qui commence dans de bien piètres conditions et qui fréquente toute la « haute » de la célébrité, des lords aux anges de la téléréalité, grâce à son argent frais et plantureux. Cette opulence nouvelle n’amende pas le caractère mesquin et rancunier de l’oncle, loin de là…
Bruissant de vie, de voix dans son portrait d’une figure très haute en couleur, « Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre » est également un roman où aucune bassesse ni aucune abjection ne nous est épargnée. Qui plus est la lâcheté, le meurtre ou l’inceste sont présentés comme des fatalités incontournables et n’empêchent pas les personnages de continuer à vivoter sans aucun objectif. A la fois sublime, terriblement singulier et très déprimant.
Martin Amis, « Lionel Asbo, l’état de l’Angleterre », Trad. Bernard Turle
Gallimard, 384 p., sortie le 16 avril 2013, 21 euros.