Joyce Maynard nous présente Les filles de l’ouragan
Est-ce parce qu’elle a partagé brièvement la vie de l’écrivain maître du secret, Salinger (une liaison claustrophobe qu’elle a raconté dans At home in the world), qu’elle lui accorde un tel intérêt ? En quelques romans, Joyce Maynard s’est imposée comme une auteure experte dans l’art de démêler les liens familiaux les plus denses, entre romantisme et souci de réalisme. Après Long Week-end en 2010, elle revient avec Les filles de l’ouragan.
Deux bébés nés le même jour, dans le même hôpital, dans des familles que tout sépare, et dont les destins vont pourtant se révéler incroyablement liés… Cela ne vous rappelle rien ? Sans doute La vie est un long fleuve tranquille, à nous lecteurs francophones. Pour nous raconter les destins croisés de Dana et Ruth, Joyce Maynard adopte un parti structurel fort : les narratrices se passent la parole de chapitre en chapitre, selon un procédé tour à tour habile, lorsqu’il permet de décaler les points de vue à des moments clés de leurs vies, et parfois un brin mécanique.
Situé pour partie dans le New Hampshire, le roman fait la part belle aux réalités agricoles de cet État, qui ne manquent pas de résonner avec les légendes familiales, sur un continent où les généalogies remontant à plusieurs générations font figure de mythe.
Fidèle à la littérature de son pays, Joyce Maynard s’approprie les paysages pour les offrir à ses personnages, qui embrassent les espaces au gré de leurs désirs et des aléas de la vie. Ainsi George, qui ira chercher fortune en Floride, ou Ray, son fils, qui cherchera un peu de sérénité dans une cabane au Canada.
Joyce Maynard excelle par ailleurs à camper ces deux portraits de femmes, aux vies finalement pas si interchangeables : là réside bien son talent, celui de nuancer les caractères jusque dans les recoins les plus profonds des âmes de nos deux héroïnes. En toile de fond, une réflexion subtile sur la fameuse part de l’inné et de l’acquis dans toute destinée. À dévorer sans arrière-pensée.
« J’avais à présent vécu la moitié de ma vie sans Ray Dickerson, et ce n’était même plus Ray que je regrettais. C’était la jeune femme que j’avais été quand je l’aimais. Elle avait disparu. Je regrettais la façon dont je regardais alors le monde, la richesse de ce qui s’était offert à moi, la faim que j’avais ressentie, le désir qui me brûlait. J’avais un jour vécu dans un pays sauvage et magnifique, dont je ne retrouvais plus le chemin. » p. 284
Présentation vidéo de son roman par Joyce Maynard.
Les filles de l’ouragan, Joyce Maynard, traduit de l’anglais (États-Unis) par Simone Arous, 336 pages, 2012, 20 €.