
Monde sans oiseaux, un premier roman d’une poésie hypnotique signé Karin Serres
Alors que sa pièce Tag a été retenue sur la prestigieuse liste que le fonds de la SACD soutient, la dramaturge et auteure jeunesse, Karin Serres propose un premier roman lumineux chez Stock. Un des joyaux de cette rentrée littéraire.
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Dans un futur proche où les oiseaux ont disparu et où l’on se nourrit de pêche, et d’élevage de cochons à la chair caoutchouteuse qui repousse, la jeune fille « petite boite d’os » naît cadette dans la famille du pasteur d’un petit village près d’un lac . Curieuse, elle a envie d’apprendre à pêcher dans le grand lac, ce que lui apprend avec patience Joseph, un homme déjà âgé et rescapé d’un terrible déluge où on susurre qu’il aurait pratiqué le cannibalisme pour survivre. Joseph au patronyme providentiel, Tados, sait dès qu’il la voit qu’il est amoureux de « petite boite d’os ». Il l’attend de longues années jusqu’à ce qu’elle soit prête. S’ensuit une histoire d’amour d’une vie, magique et banale, au bord de ce grand lac-cimetière où l’on immerge les corps des morts.
Avec des mots simples, presque des mots d’enfants, Karin Serres invente un univers d’une inquiétante beauté, où la poésie qui attrape le lecteur à la gorge pour ne plus le quitter. D’une pureté infinie, l’héroïne nous entraine dans une vraie histoire d’amour et de famille, faite de sensualité, de tâches modestement quotidiennes et de grandes douleurs que la perspective tranquille du lac et des corps qui y sont en tranquille décomposition finit par apaiser. Un petit livre bouleversant, qui permet aux « grands » de découvrir une plume magnifique.
Karin Serres, « Monde sans oiseaux », Stock, 112 p. 12.50 euros. Sortie le 21 août 2013.
« Ma mère a les yeux bleus rivière gelée, de fins cheveux blonds sévèrement tirés et de hautes pommettes au sang à fleur. Son corps massif se déplace sans bruit dans notre maison, elle glisse sur coussin d’air. Parfois, elle chantonne. Quand elle sourit, tout son visage se plisse comme une poche de fromage frais .» pp. 11-12