
“La Partie de chasse” d’Isabel Colegate : so british !
“Préface de Julian Fellowes, créateur de la série Downton Abbey”, proclame le bandeau de cette Partie de chasse, nouveau venu de la collection Belfond Vintage que l’on aime tant. On comprend que l’éditeur ait profité du succès de cette série proposée outre-Manche pour attirer l’œil du chaland sur les tables de librairie. On se dit cependant que le fan des aventures de la famille Grantham sera peut-être déçu en lisant La Partie de chasse : car la véritable référence à laquelle on pense plutôt, c’est celle de Gosford Park, le film de Robert Altman, certes écrit par Julian Fellowes également, mais bien plus complexe et plus fin que Downton Abbey. Si ce n’est la scène finale, il ne se passe finalement pas grand chose dans cette Partie de chasse : le véritable intérêt du roman, c’est bien d’observer de très près les mœurs de la haute société britannique à la veille de la Grande Guerre, avec une précision qui touche à l’ethnologie.
Dans le domaine de Sir Randolph, c’est l’heure de la partie de chasse annuelle. Les invités sont là, les serviteurs sont prêts à accueillir tout ce petit monde dans les meilleures conditions. Les rabatteurs, garde-chasse et autres chargeurs sont prêts à assister leurs maîtres dans ce sport national, dont les règles sont extrêmement codifiées. Chaque jour, le rituel se répète, les chasseurs tirent les faisans, les femmes les admirent, et tous se changent avant le dîner, qui se conclue invariablement par des parties de bridge et de charades. Un portrait de la haute société britannique au début du 20e siècle qui correspond trait pour trait à celle dépeinte dans les romans et films modèles du genre, des sœurs Mitford à Downton Abbey, en effet.
Mais il ne faudra pas y chercher les renversements de situation et les élans mélodramatiques à la Downton Abbey, sous peine d’une grande déception. Car le roman de Isabel Colegate se savoure comme une tasse de thé et des scones à la confiture : sans précipitation, en savourant chaque gorgée, chaque bouchée – et en n’ayant pas peur que, parfois, certaines se ressemblent. Car Colegate ne craint pas la répétition des scènes de chasse, de dîner ou de commérages, au risque de parfois faire un peu long… mais le lecteur attentif aux détails est vite sauvé de l’ennui, car c’est là que se niche le talent de l’auteur : elle décrit avec beaucoup de justesse et de précision les petites manies de l’aristocratie britannique aussi bien que leurs tenues et leurs habitudes… une véritable étude de leurs us et coutumes, chargée d’un humour piquant autant que de poésie.
Un bien joli choix encore proposé par la collection Belfond Vintage, qui n’en finit pas de nous régaler de romans oubliés. Vivement la suite !
La Partie de chasse, de Isabel Colegate. Traduit de l’anglais par Elisabeth Janvier. Paru en mars 2015. 280 p. Prix : 15 €.