Erwan Gabory dépeint les obsessions et les tribulations d’un plieur de chaussettes
Premier roman brillant et décalé, « Le plieur de chaussette » met en scène l’évolution d’un garçon bien sous tous rapports, mais qui développe une addiction sévère au pliage de chaussettes. Un livre où l’on découvre toute la portée de ces morceaux de tissus d’habitude discrets mais dont on sait tous combien ils sont indispensables…
Chantal Boris est un petit garçon bien élevé et assez doué qui grandit dans un milieu apaisé et aisé. Auprès de la dame qui s’occupe de la maison, Alice, il développe cependant une étrange addiction : celle de plier, le plus parfaitement possible et en grande quantité, les chaussettes. Une obsession assez gênante qui, malgré son premier aspect propret, fonctionne comme le vice du jeu ou de la boisson et le sépare de sa famille ainsi que de la plupart de ses contemporains. Mais l’amour du pliage de chaussettes est également une caractéristique bien spécifique du jeune-homme qui lui permet de trouver une voie qui lui soit propre (et bien pliée).
Filant (plus que pliant) la métaphore des chaussettes et leur ordonnancement, ce « Plieur de chaussettes » au style enlevé séduit par son humour et certains uppercuts directs. Quoi de plus banal que des chaussettes ? Et quoi de plus utile ? L’excès d’attention que le héros leur porte fonctionne très bien pour exprimer tout un tas de questionnements et de doutes qui sont ceux de tout adolescent puis de tout jeune homme. Le désir de reconnaissance, les premiers émois amoureux, le goût de la perfection, le refus des compromis, c’est toute une éducation sentimentale qu’Erwan Gabory nous propose. Mine de rien, mine de chaussette, et avec grand style !
Erwan Gabory, « Le plieur de chaussettes », Christophe Lucquin éditeur, 226 p., 16 euros.
« On me retira Alice, qui était tout pour moi, celle qui m’avait transmis son savoir et qui venait de me faire le plus beau cadeau qu’un enfant puisse recevoir. Cette privation suffit à me mettre en garde contre ce qui me venait de mes parents. Ma blessure ne s’est jamais vraiment refermée. Encore aujourd’hui… » p. 45.