
Concerto pour la main morte, Olivier Bleys, léger et hypnotique
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Après avoir publié une vingtaine de livres dans différents genres, allant du roman à l’essai en passant par le récit de voyage et la bande dessinée, Oliviers Bleys revient pour cette rentrée littéraire avec un roman initiatique aux allures de conte philosophique, poétique et métaphorique. Un ouvrage simple et léger que l’on se plait à lire en ce retour de vacances.
A Mourava, hameau perdu de Sibérie centrale, la vodka coule à flot dans les veines de ses habitants désireux de tromper la morosité ambiante et le manque d’activité de cette région dépeuplée. Dans cet univers profondément maussade ou la quasi-totalité de la population préfère se morfondre sur son triste sort en s’enivrant, Vladimir Golovkine, éboueur auto-proclamé de la bourgade n’a qu’un rêve : quitter enfin ce trou et rejoindre la grande ville. Alors qu’il tente en vain de monter sur le bateau en proposant ses services aux marins, l’homme voit débarquer sur la grève un visiteur incongru accompagné de son piano. Le hameau n’offrant aucune pension ni hôtel, c’est naturellement chez l’homme le plus sain d’esprit (entendez par là le moins alcoolisé) qu’il trouvera logis: Vladimir. Colin Cherbeau, pianiste français raté mais non moins doué dont la main capricieuse refuse d’exécuter le concerto n°2 de Rachmaninov à quelques semaines d’un concert salle Gaveau, ne sait réellement ce qu’il est venu chercher en Sibérie. En quête d’un ailleurs plus calme ou disparaîtraient ses tourments que la science ne sait soigner, l’homme trouvera son salut, sa guérison autant que sa voie, au travers d’une rencontre saugrenue, de l’hypnose et de la réminiscence de ses vies antérieures.
Avec Concerto pour la main morte, Olivier Bleys propose un roman poétique et profondément humain. Une histoire de rencontres, d’amitiés, où l’incongru et l’absurde côtoient l’étrange, l’insaisissable, le mystère et à quelques égards le paranormal. A Mourava, la présence d’un visiteur anime la curiosité des villageois, sa musique adoucit les mœurs et contribue à éveiller les habitants autrement que par la vodka. Si le roman apparaît tout d’abord comme une simple histoire de rencontres inopportunes, une quête insaisissable de l’apaisement d’une âme d’artiste torturée au point de paralyser sa main, très vite, il intrigue lorsque la quête de soi passe par la rencontre avec les « moi » antérieurs. Douce et légère l’œuvre se lit facilement. Bien que peignant la rudesse elle cultive la joie, les bonheurs simples et expose une véritable leçon de vie. Le monde matérialiste, les rêves carriéristes et la reconnaissance du travail par la société autant que par l’entourage, ne nous apportent pas toujours le bonheur tant espéré. Donner, partager son art et ses connaissances avec le commun des mortels, dans les contrées les plus reculées, vivre simplement dans une cabane en bois uniquement munie d’un poêle, se réjouir de la nature environnante, peut également s’avérer être la plus noble des vocations. Un roman aérien et savoureux, un joli conte ou une jolie fable qui après lecture laisse flotter un charmant sentiment de plénitude.
” On ne pouvait tout prévoir ni tout réparer. La vie n’était qu’un tissu d’à-peu-près, de décisions hâtives sur lesquelles pourtant l’on bâtissait, comme on laisserait aux fondations d’un édifice des pierres qui tombent en poudre” p234
Concerto pour la main morte, Oliviers Bleys, Albin Michel, sortie 22 Août 2013, 18E, 234pages