
“Ester ou la passion pure” : cinquième roman de Lena Andersson
Nous devions assister à une rencontre entre Marie Darrieussecq et Lena Andersson à l‘Institut suédois mardi 3 mars, mais la grippe a frappé, et l’événement a été reporté. Ne reportons pas pour autant l’occasion de faire connaissance avec cette jeune auteure scandinave.
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Suédoise pur jus, amatrice de ski nordique, Lena Andersson, née en 1970, a entamé une carrière de critique littéraire avant de prendre la plume à son tour. Ester ou la passion pure est son cinquième opus, et un véritable phénomène d’édition en son pays. Au point que les deux héros de cette passion, Ester Nilsson et Hugo Rask, sont même devenus des archétypes passés dans le langage courant.
La passion est-elle universelle ou culturelle ? Le dernier roman de Marie Darrieussecq, Il faut beaucoup aimer les hommes, invite à la comparaison : l’héroïne Solange y subit elle aussi les affres de la passion pendant que son amant Kouhouesso poursuit ses rêves de cinéma.
Les personnages que campe Lena Andersson sont des intellectuels. Artiste, pour lui, et poète et essayiste pour elle. D’abord séduite par l’engagement artistique et politique de son sujet d’étude, Ester Nilsson ressent vite les vertiges physiques de la passion. Pourtant, à la suivre, on reste sur sa faim : le compagnon antérieur est balayé sans ambages ; Hugo Rask apparaît bientôt comme un égotiste déjà accaparé par une autre maîtresse lointaine ; quant à la première nuit du couple, elle s’avère décevante, et son récit tronqué.
La passion unilatérale est un sujet certes plus qu’honorable, mais il est difficile au lecteur d’éprouver de l’empathie pour une héroïne scolaire dans sa pensée, visiblement immature dans sa relation aux hommes. Si l’écriture de Lena Andersson ne manque pas de finesse, les vagues tentatives de démonstration intellectuelle qu’elle ébauche en guise d’analyse de son ressenti manquent de profondeur et de souffle. Et nous ne sommes pas loin de basculer dans le camp de l’indifférence avec Hugo Rask…
“Avant de comprendre où les sentiments nous mènent, on parle du bien-aimé à tout le monde. Et puis brusquement, plus rien. On n’avance plus qu’avec mille précautions, comme sur une glace très mince, conscient que chaque mot peut trahir nos sentiments. Feindre l’indifférence est aussi difficile que singer la normalité : c’est, au fond, la même chose.” p. 25
Ester ou la passion pure, Lena Andersson, traduit du suédois par Johanna Brock et Erwan Le Bihan, éd. Autrement, 2015, 218 p., 17 €.
Visuels : © Ulla Montan
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