Essais
« John Carpenter. Un ange maudit à Hollywood » de Stéphane Benaïm : Portrait du Maître de l’horreur

« John Carpenter. Un ange maudit à Hollywood » de Stéphane Benaïm : Portrait du Maître de l’horreur

29 December 2022 | PAR Julien Coquet

Revenant sur toute la filmographie de John Carpenter, Stéphane Benaïm livre un portrait complet du réalisateur incompris et souvent inégal.

Une phrase marque dès le préambule, extraite du documentaire Big John (2006), directement issue de la bouche de John Carpenter : « En France, je suis un auteur ; en Allemagne, un simple cinéaste ; en Angleterre, un réalisateur de films de genre ; et aux Etats-Unis, un traîne-savate. » Car au-delà des frontières françaises, un ouvrage sur Carpenter a de quoi surprendre : certes, le réalisateur a donné naissance à deux chefs-d’œuvre que sont The Thing et Halloween, mais le reste de sa carrière, très inégale (notamment la fin), doit-elle conduire à une quelconque critique cinématographique ? Stéphane Benaïm via son John Carpenter. Un ange maudit à Hollywood, répond par l’affirmative, après notamment Luc Lagier et Jean-Baptiste Thoret (Mythes et masques : les fantômes de John Carpenter chez Dreamland) ou, plus récemment, Stéphane Bouley avec L’œuvre de John Carpenter : les masques du maître de l’horreur chez Third éditions.

En quarante ans, John Carpenter signe dix-huit longs métrages, produisant chefs-d’œuvre comme bons films (Fog en 1980, Christine en 1983, L’Antre de la folie en 1994…) et navets. Ce touche-à-tout s’intéresse très tôt à la réalisation en s’inscrivant à l’University of Southern California, réalisant un premier western intitulé The Resurrection of Broncho Billy (1970), puis se tournant vers la science-fiction (Dark Star, l’étoile noire en 1974) et enfin vers le western contemporain, Assaut (1976), dont l’influence de Howard Hawks est très palpable. Chronologiquement, film par film, le livre revient sur la carrière de Big John, et notamment ses nombreux échecs public comme critique. Le livre se concentre également sur les relations conflictuelles de Carpenter avec les grands studios américains, le réalisateur ayant du mal à persuader ceux-ci du bien-fondé de ses projets, arrivant parfois à accepter des projets auxquels il ne croit guère (Le Village des damnés, 1995).

Pour autant, Stéphane Benaïm ne fait pas de Carpenter un loser, loin de là. Insistant sur le côté « homme à tout faire » de Carpenter (réalisateur, compositeur, scénariste, producteur…), le docteur en esthétique, sciences et technologies des arts scrute la filmographie de façon très classique (naissance du projet, synopsis, tournage et réception du film par la critique et le public). Cette approche classique empêche d’ailleurs une prise de position que l’on aurait trouvée bienvenue : Benaïm n’engage pas son avis sur des films qui sont, quoi qu’on en dise, mauvais (Ghosts of Mars, 2011 ; The Ward – L’Hôpital de la terreur, 2010). On aurait également aimé plus d’extraits de témoignages de collègues de Carpenter, voire de Carpenter lui-même. Reste que le livre se lit très facilement et a le mérite de mettre en lumière un réalisateur qui a toujours défendu une certaine vision du cinéma de genre.

« Avant d’être une histoire d’amour entre un homme et sa cylindrée, Christine est surtout le récit d’une double métamorphose, celle d’un individu qui perd son humanité et celle d’une machine qui développe ses sentiments humains. Ce jeu de transformations et de transfert met en avant, d’un côté, les affres de l’adolescence et, de l’autre, les enjeux pervers de l’American way of life avec les dérives qu’elle peut entraîner, comme cette vision idéalisée (et même imposée) de la figure du bonheur moderne. Pour être heureux, il ne suffit plus de prôner la liberté de l’indépendance, il s’agit désormais de penser en termes de possession et de consommation de masse. C’est l’action de posséder qui permet d’accéder au bonheur. En plus de rentrer dans un moule en fondant un foyer, il faut acheter une voiture (plus elle est grosse, plus grande sera la réussite), avoir une télévision, etc. »

John Carpenter. Un ange maudit à Hollywood, Stéphane BENAÏM, Editions LettMotif, 216 pages, 26 €

Visuel : Couverture du livre

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