Cinema
Réédition : la Trilogie anglaise de John Schlesinger en version restaurée

Réédition : la Trilogie anglaise de John Schlesinger en version restaurée

30 September 2012 | PAR Yaël Hirsch

Le réalisateur britannique de “Macadam Cowboy” (1969) est également l’une des figures marquantes de la nouvelle vague anglaise  avec Tony Richardson et Sydney Furie. Les trois premiers films du réalisateurs, “Un amour pas comme les autres” (1962), “Billy le menteur” (1963) et le bluffant “Darling”  (1965) avec la lumineuse muse du cinéaste, Julie Christie, donnent à voir le cœur de cette nouvelle vague britannique, peut-être plus grave que ses sœurs italienne et française quand elle aborde de front la question taboue de la sexualité et celle, encore plus sensible, des horizons plombés d’une jeunesse populaire prisonnière de villes industrielles mornes. Trois bijoux restaurés à (re)découvrir à l’écran depuis le 26 septembre.

Un amour pas comme les autres

Le jeune Vic (révélation d’Alan Bates) et la douce Ingrid font connaissance dans le bus qui les ramène du travail à leur lieu d’habitation. Ils commencent à se voir et surtout à se désirer de manière coupable : hors mariage. Quand Ingrid tombe enceinte, Vic sait déjà qu’il ne l’aime pas. Il l’épouse par devoir mais n’a pas les moyens de lui offrir un nid. Les deux jeunes gens emménagent chez la mère d’Ingrid qui ajoute encore au désespoir d’un couple bien désenchanté. Une “brève rencontre” avec des conséquences interminables et qui finit par tuer tout soubresaut du cœur…

Terriblement cru sur le désenchantement du couple et ne mâchant pas ses images quant à la critique d’une pruderie moralisatrice qui enferme la jeunesse dans un vie de couple impossible, “Un amour pas comme les autres” est un premier film qui fonctionne comme un immense piège se refermant sur Vic. Le jeune employé finit par abandonner toute velléité de vivre vraiment adhérer à l’idéal petit bourgeois de sa compagne d’infortune. Une ironie qui glace l’âme et portée par les grands yeux clairs d’un Alan Bates bouleversant. Ours d’or à Berlin à sa sortie.

“Un amour pas comme les autres” de John Schlesinger avec Alan bates, June Ritchie, Thora Hird, Bert Palmer, Pat Keen, UK, 1962, 1h52, noir & blanc.

Billy le menteur

Dans une petite ville du Nord, le jeune Billy Fisher vit chez ses parents et travaille dans un bureau où il s’ennuie. Pour conjurer la banalité déprimante de sa vie, il développe un véritable don pour la mythomanie, ce qui le plonge dans des situations abracadabrantes.

Relevant son observation naturaliste des images des fantaisies du personnage principal, “Billy le menteur” développe quasiment un aspect baroque qui étonne chez Schlesinger mais finit par prouver d’autant mieux et en contre-jour les bornes posées par la société aux fougues de la jeunesse. C’est aussi le film qui révèle la magnétique Julie Christie.

Billy le menteur de John Schlesinger, avec Tom Courtenay, Julie Christie, Wilfred Pickles, Mona Wahsbourne, 1963, UK, 1h38, noir & blanc.

 

Darling

Fille de son temps, à la fois superficielle et sûre de sa beauté, Diana Scott (Julie Christie) trompe son mari avec un journaliste littéraire de la télé, Robert Gold, (irrésistible Dirk Bogarde) dont elle tombe amoureuse. Ils quittent chacun leurs époux et emménagent ensemble pour vivre les folles heures du swinging London. Robert met le pied à l’étrier de sa belle, qui commence une carrière de mannequin et d’actrice de séries. Malgré le bonheur, Diana a trop d’ambition pour en rester là. Une chose menant à une autre, elle trompe Robert avec un dandy qui connaît le tout Londres et booste sa carrière. Cette liaison précipite la séparation. Égérie d’une grande marque, Diana rencontre un élégant et mature noble italien sur un tournage à Capri…

Film terrible, éducation sentimentale aussi aride et désenchantée que celle d’ “Un amour pas comme les autres”, “Darling” a le génie de saisir l’esprit du temps, d’aborder certaines questions taboues et qui comptent beaucoup pour le réalisateur, comme celle de l’homosexualité. En traitresse  prête à tout sacrifier pour réussir, mais plus par instinct que par calcul réel, Julie Christie incarne une espèce de femme fatale en bout de course, sans candeur ni gravité, toute en enchainement de mélodrames et de petites séductions au rabais. L”actrice est magnétique dans ce rôle. Laissée libre de ses mouvements par la caméra mobile de Schlesinger, elle est plus proche de la malice d’une Jean Seberg dans “A bout de souffle” que de la gravité statique de Faye Dunaway dans le rôle assez comparable qu’elle tient dans le “Portrait d’une enfant déchue” de Jerry Svhatzberg. Restent néanmoins les yeux lourds, qui portent les illusions brisées d’une femme représentative de la jeunesse de son temps. “Darling” a été couronné par 3 oscars…

Darling de John Schlesinger avec Julie Christie, Dirk Bogarde, Laurence Harvey, Roland Curram, Jose Luis de Villalonga, Basil Henson, UK, 2h08, noir& blanc.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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