Cinema
“ManHunt” en DVD : un John Woo avec de la maîtrise et des fulgurances

“ManHunt” en DVD : un John Woo avec de la maîtrise et des fulgurances

21 February 2019 | PAR Geoffrey Nabavian

ManHunt a fait sa sortie en France le 8 février dernier en DVD et Blu-Ray, chez Metropolitan Filmexport. S’il n’atteint pas au niveau d’Une balle dans la tête ou de The Killer, sommets de polars dramatiques, il apparaît néanmoins rythmé, très bien joué, assez intense, convaincant.

Avec ManHunt, le grand John Woo – 72 ans aujourd’hui au compteur – retourne vers certains de ses thèmes fétiches, et signe, encore une fois, un polar dramatique. L’action passe donc après les sentiments des personnages et le récit de leurs destins, dans ce film policier. Tant mieux : c’est ainsi qu’on le préfère, Woo.

On se remémore les modèles du genre qu’il signa, révélés chez nous au début des années 90 : suite à la sortie en 1993 de Chasse à l’homme – film où il dirigeait Jean-Claude Van Damme – on vit arriver en France Le Syndicat du crime (1986), Le Syndicat du crime 2 (1987), le magnifique Une balle dans la tête (1990) et A toute épreuve (1992), bientôt suivis par le splendide The Killer (1989). Autant de réalisations où les très belles scènes d’action servaient de bons scénarios, hantés par le tragique : des réussites, pour la plupart, surtout pour Une balle dans la tête (et son arrière-plan historique passionnant) et The Killer (et son sous-texte moral puissant).

Depuis Paycheck (sorti en France en 2004), on n’a pas revu John Woo aux commandes d’un film américain. Depuis Les 3 royaumes – tourné en Chine et sorti dans les salles françaises en 2009 dans une version courte – le public des cinémas n’a plus de ses nouvelles, en France. Le revoici donc à la tête de ManHunt (ou Zhui bu, dans sa version originale), production qui procure pas mal de plaisir, et qu’on peut placer parmi les films à voir en 2019 pour le moment.

Tragique, cascades et revolvers

L’alchimie entre le drame, amené par les personnages, presque tous hantés par des tragédies ou des souvenirs durs, et les séquences d’action, fonctionne encore une fois, dans ce nouveau film. Le personnage principal, Du Qiu (très bon Zhang Hanyu, vu aussi dans La Bataille de la Montagne du Tigre et La Grande Muraille), avocat qui plaide souvent pour un célèbre laboratoire pharmaceutique, se trouve accusé d’un crime qu’il n’a pas commis. Des poursuivants tenaces le suivent bientôt à la trace : d’abord Yamura (intense Masaharu Fukuyama, acteur dans Tel père, tel fils et The third murder), policier n’ayant plus rien à perdre, puis Rain (convaincante Ha Ji-won), tueuse coriace et sentimentale, et surtout Mayumi (excellente Stephy Qi), liée par son passé au personnage principal.

On peut affirmer, après une vision du film, que la manière de John Woo y est bien présente : on reconnaît sa capacité à peindre des scènes dramatiques, une fois que l’action se tait. Les protagonistes plongent dans leurs souvenirs ou leurs drames personnels, dans ces séquences mises en scène entre tragique et envolées lyriques, qui produisent un effet toujours aussi spécial : une émotion particulière, une empathie avec ces interprètes lancés à fond dans cette histoire, qui la vivent et croient en elle. Jeune femme effondrée devant son fiancé suicidé, tueuse qui se remémore un acte d’héroïsme, ou  encore vieil homme détruit devant son fils mort, aussi : ces figures entraînent à leur suite, dans leurs sentiments.

Quant aux scènes d’action où la parole est aux revolvers (et pas aux poings), si elles paraissent plus courtes que dans les grandes œuvres du maître, elles n’en restent pas moins fluides et chorégraphiées avec passion : maison de campagne attaquée – un passage dans lequel, pour une fois, les assaillants en moto ne font pas en trop – séquence en voiture, moment de tension sur un chantier ou grande bagarre finale sanglante remplissent leur office d’une belle façon, entre image léchée et chorégraphie furieuse des plans, permise par un montage adroit.

Avec une photo à laquelle la qualité très nette du DVD édité par Metropolitan Filmexport rend justice : les décors de ManHunt apparaissent, en pas mal d’endroits, travaillés, à la fois esthétisés et justifiés par le scénario. Les qualités techniques de l’édition permettent au film d’exprimer son ambition (moindre que celle d’autres œuvres de Woo, mais présente quand même), en lui donnant un aspect éclatant et clair.

Certes, ManHunt compte des défauts : son scénario reprend quelques clichés bien actuels (sur les expériences scientifiques, notamment), les tenants et aboutissants du scénario apparaissent plus faciles et moins profonds que dans d’autres films de Woo… Il compte cependant assez de maîtrise et de passion – une passion qu’on serait heureux de retrouver au sein de tout le cinéma à venir – pour qu’on se laisse happer par ses personnages et ses scènes d’action. Et il témoigne, toujours, du caractère assez unique du style du maître.

ManHunt de John Woo est en Blu-Ray et DVD chez Metropolitan Filmexport depuis le 8 février, ainsi qu’en VOD.

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Visuels : visuel DVD français de ManHunt

/ détail de l’affiche étrangère de ManHunt

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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