Cinema
Impardonnables, un très beau Téchiné

Impardonnables, un très beau Téchiné

04 July 2011 | PAR Yaël Hirsch

André Téchiné a quitté les longs couloirs urbains et la jeunesse déboussolée de “La fille du RER” (2009, voir notre article) pour filmer l’amour mur avec autant de poésie que d’ironie sur la lagune au large de la Cité des Doges. Tiré d’un roman de Philippe Djian, “Impardonnables” est à la fois très sournois et terriblement sain. En traduisant la finesse psychologique du texte à l’écran, Téchiné offre à une Carole Bouquet resplendissante l’un de ses plus beaux rôles. Sortie le 17 août 2011.

Francis (André Dussollier) est un écrivain d’une soixantaine d’années qui veut s’installer quelques mois à Venise, le temps d’écrire un roman. L’agent immobilier est la belle Judith (Carole Bouquet, lumineuse), et elle lui montre une grande maison un peu en dehors de la ville, sur l’île de Sant Erasmo. Pris d’inspiration, Francis se lance et lui dit oui, si elle vient habiter avec lui. Commence une belle histoire d’amour, une vie calme et paisible, où les seuls amis du couple sont un ancien amour de Judith, Anna-Maria (formidable Adriana Asti), et son étrange fils (Mauro Conte). Mais lorsqu’il est amoureux Français n’arrive pas à écrire. Par ailleurs ses enfants débarquent pour l’été, et une de ses filles (Mélanie Thierry) disparaît dès son arrivée et plante mari et enfants pour suivre un beau dandy vénitien. Judith ne comprend pas trop quel est son rôle: elle voudrait apaiser le père, tout en respectant la liberté de la fille… Une distance se crée dans le couple et petit a petit le passé de femme fatale de Judith refait surface. Jaloux, Francis demande alors au fils d’Anna-Maria de suivre sa femme.

Plans parfaits, lumière généreuse et jamais clichée, Téchiné est un orfèvre qui sculpte la psychologie de ses personnages à petit coup secs d’ombre et à renforts discrets d’ellipses judicieuses. Avec le personnage de Judith, femme fatale originale car libre mais sans enfants, sans attaches, et cheveux courts, Téchiné offre à Carole Bouquet un rôle subtil. Bouquet lui rend biens a faveur : jamais, elle n’a été aussi belle. En face, Dussollier est un premier rôle qui monte doucement en puissance; son personnage se détache doucement du rôle de mari jaloux et balourd pour atteindre une nonchalante perversion que le grand acteur de Resnais prend un malin plaisir à instiller dans chacun de ses gestes. Dans les rôles secondaires, égale à elle-même, Adriana Asti est flamboyante. Mélanie Thierry est parfaite en fille à l’équilibre fragile mais à la détermination forte. tandis que la vraie révélation du film est le tout jeune et génial Mauro Conte. Il incarne la sauvagerie de Jérémy avec art. Intelligent, beau et drôle, le dernier Téchiné est un très très bon parti pour cet été.

Impardonnables d’André Téchiné, avec André Dussollier, Carole Bouquet, Mélanie Thierry, Adriana Asti, Mauro Conte, Alexis Loret, France, 2010, 1h53, sortie le 17 août 2011.

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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