
Glissements progressifs du fantasme : Alain Robbe-Grillet à l’honneur au Latina pendant Paris-Cinéma
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Pour ceux qui avaient oublié que le chantre du nouveau roman et auteur des “Gommes”(1953) s’est risqué dans le cinéma bien plus loin que dans le scénario de l'”Année dernière à Marienbad”(1961), Paris Cinéma a prévu un cycle exceptionnel des films réalisés par Alain Robbe-Grillet au Nouveau Latina où l’on peut voir huit de ses films, et entendre ce soir, jeudi 4 juillet, une lecture de certains de ses textes par la comédienne Francisca Do Rêgo. Hier nous avons pu voir “Glissements progressifs du plaisir” (1973) où la caméra de l’auteur de la “Jalousie” caresse la peau de toutes jeunes filles perverses et potentiellement dangereuses. Un érotisme intello qui n’a pas pris une ride.
Alice (Anicée Alvina) et Nora (Olga Gerorges-Picot) vivent ensemble. La seconde est trouvée morte, attachée au lit, le cœur percé d’une paire de ciseaux. Premier suspect, la première est enfermée dans une prison tenue par des religieuses, où elle se balade en petite tenue, “cuisinée” par un inspecteur (Michael Lonsdale) pour qui elle rejoue certaines scènes de sa vie, volontiers dénudées. Mêlant récit des faits, autobiographie fantasque et fantasmes où viol, bouteille brisée, liquides rouges, jaunes d’œufs et chaussures bleues font partie d’un bal érotique qui se conclut par la mort la plus violente.
Pervers, raffiné, porté par des comédiennes terriblement excitantes et effarouchées (dommage qu’on n’ait pas plus vu Anicée Alvina), filmée avec à la fois ironie et lenteur, minimalisme (la cellule blanche monacale) et références (la poupée de Bellmer et bien sûr la chaussure bleue fétiche des romans de Robbe-Grillet), “Glissements progressifs du plaisir” n’a pas pris une ride. Pédophilie light, sadisme, fétichisme : certains seraient encore choqués, mais ils ne passent pas le pas de porte du Latina. D’aucuns s’ennuieront profondément de tant de mise en scène, mais ceux et celles à qui la forme la plus littéraire, la plus acerbe et la plus précieuse est la pincette qui convient pour penser au sexe se laisseront emporter avec enthousiasme dans l’univers très perché de Alain Robbe-Grillet. Avec Huppert, Londsale et Trintignant dans des seconds rôles tout de même!
“Glissements progressifs du plaisir”, de Alain Robbe-Grillet, avec Anicée Alvina, Olga Georges-Picot, Jean-Louis Trintignant, Michael Lonsdale, Jean Martin et Isabelle Huppert, 4h12, France, 1973.
Autres projections : Vendredi 5 juillet à 18h, Samedi 6 juillet à 12h, Dimanche 7 juillet à 21h50 et Lundi 8 juillet 2013 à 14h.
La rétrospective Robbe-Grillet dure jusqu’au 9 juillet au Nouveau Latina dans le cadre de Paris-Cinéma. Ne manquez pas la projection du dernier film de Robbe-Grillet, “C’est Gradiva qui vous appelle“, le vendredi 5 juillet, à 20h et présenté par Arielle Dombasle.
© 1974 Fonds Alain Robbe-Grillet/IMEC Images. Tous droits réservés
http://www.youtube.com/watch?v=ZVOBjkQb9I8