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Ken Loach dans la mémoire ouvrière de l’Angleterre

Ken Loach dans la mémoire ouvrière de l’Angleterre

16 December 2013 | PAR Amelie Blaustein Niddam

Ce mois-ci, dans sa collection “2 films de”, France Inter réédite deux documentaires de Ken Loach ayant pour lien la lutte ouvrière. L’esprit de 45 (2013) et Les dockers de Liverpool (1996) font resurgir le réalisateur enragé et plein d’espoir de Land and Freedom.

[rating=5]

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Il est intéressant, même si cela est a-chronologique, de regarder tout d’abord le DVD le plus récent de ce coffret.  L’esprit de 45 vient mêler images d’archives et témoignages pour dire la chose suivante : la Seconde Guerre mondiale a fait entrer l’Angleterre dans la modernité. Le postulat choque au départ. Pourtant, voir les villes comme des taudis, dans l’insalubrité la plus totale, au XXe siècle, cela casse le mythe d’une Angleterre contemporaine. Très vite, la guerre et ses appels au développements technique ont permis au plan urbain d’être repensé et aux liens sociaux d’être favorisés.

Ken Loach décrit à l’aide d’un noir et blanc subtil les lendemains merveilleux qui ont vu la victoire du travailliste Clément Attlee.  Les ouvriers sont protégés, que ce soit en matière de temps de travail ou de conditions de travail. Les mineurs survivent. Le militant revient, montrant comment le système Thatcher a tout saccagé. Les filles hurlant de joie dans les fontaines ont beau être colorisées, la fête est finie.

C’est ainsi que Les dockers de Liverpool, filmé en 1996, apparaît comme une suite logique de ce film réalisé seize ans plus tard. On y voit le résultat de la politique libérale de Thatcher. En septembre 1995, cinq cents dockers du port de Liverpool sont licenciés pour avoir refusé de franchir un piquet de grève ; 12 mois plus tard, ils sont toujours en grève, filmés par Ken Loach. La force immense des Dockers de Liverpool est de nous faire entrer dans les rouages du système.

On entre dans un droit du travail au-delà du précaire. On apprend que jusqu’en 1967, les contrats étaient journaliers. Après cette date, une certaine sécurité de l’emploi comprenant des arrêts maladies, des congés payés et des heures supplémentaires payées est mis en place. En 1993, tout s’effondre et la “flexibilité” revient, jusqu’à la fameuse grève de 1995 qui voit cinq dockers être licenciés de façon abusive.

La grève durera deux ans trois mois et vingt-neuf jours. Cela, Ken Loach ne le sait pas au moment où il filme. Sa camera nous donne accès à la pire des manigances. On verra les dockers lâchés par leur propre syndicat, perdant espoir en tout changement venant d’une prochaine élection.

Les dockers de Liverpool est un film puissant, où l’on retrouve Ken Loach là où il est le meilleur : quand il filme la lutte avec passion et sans pathos.

Visuel : © collection “2 films de”, France Inter / Why Not DVD1

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Amelie Blaustein Niddam
C'est après avoir étudié le management interculturel à Sciences-Po Aix-en-Provence, et obtenu le titre de Docteur en Histoire, qu'Amélie s'est engagée au service du spectacle vivant contemporain d'abord comme chargée de diffusion puis aujourd'hui comme journaliste ( carte de presse 116715) et rédactrice en chef adjointe auprès de Toute La Culture. Son terrain de jeu est centré sur le théâtre, la danse et la performance. [email protected]

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