
“Cultures en transition”, un film de Nils Aguilar : les nouvelles alternatives sont en marche
Si les camions s’arrêtaient de circuler, les supermarchés seraient vides en 3 jours… Ce constat choquant est la triste réalité de nos vies dépendantes de l’agro-industrie en ce qui concerne notre subsistance alimentaire. Au-delà de cette prise de conscience et de ce constat accablant, Cultures en transition témoigne d’une véritable transition culturelle en cours à partir d’exemples de pratiques agricoles alternatives et parallèles dont les modèles sont à Cuba, en Angleterre, voir même en France. Cofinancé par un système de crowdfunding (financement participatif), le film tourné en 2011 et réalisé par Nils Aguilar vient de paraître aux éditions Montparnasse.
Les solutions sont simples, leur coût est faible, parfois même gratuit et leur empreinte écologique est minime, pour ne pas dire nulle. L’objectif de ces projets est de sortir de la dépendance alimentaire et d’anticiper sur une pénurie à venir liée au réchauffement climatique et à une prochaine crise du pétrole. Le second objectif est de favoriser les économies locales, de fortifier le lien social, l’entraide, et la diffusion libre des savoirs et des savoir-faire. Cultures en transition est le témoignage d’une véritable résistance au système libéral capitaliste et de la toute puissance du marché de l’industrie agroalimentaire qui prive l’homme de ses propres moyens de subsistance.
Cette dynamique de transition, bien réelle, a pour ambition de préparer les mutations à venir en changeant les modes de production actuels et le regard que nous portons sur notre alimentation. Une mutation qui se base aussi sur notre capacité imaginaire pour inventer d’autres avenirs possibles.
De nombreux intervenants offrent leur regard d’expert tout au long du film et notamment les acteurs du réseau « villes en transition », né en Angleterre où, dans la petite ville de Totnes, les habitants travaillent ensemble à un véritable « plan de décroissance ».
Cette volonté positive de ne pas attendre d’être au pied du mur pour réagir est aussi visible ailleurs dans le monde. En 2011, on comptait 1000 initiatives de transitions dans 34 pays. En France, le concept d’agroforesterie par exemple, qui se base sur la complémentarité arbres / cultures, se développe de plus en plus chez les jeunes agriculteurs, bien conscients des limites d’une mondialisation qui les étouffe. Cuba, pays avant-gardiste en la matière, même si la transition s’est engagée par nécessité et non pas choix, représente un modèle de système agricole auto-suffisant. Aujourd’hui, la Havane produit 70% des légumes qu’elle consomme, uniquement en agriculture biologique. Un exemple pour celles et ceux qui s’engagent face aux nouveaux défis à venir.
Ce film fait écho au documentaire Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau sorti en 2010, et qui fait état du même constat, et évoque l’universalité des solutions face à une industrie agroalimentaire qui marche sur la tête. Dans les deux films on retrouve Claude Bourguignon, ingénieur agronome et spécialiste de microbiologie des sols, qui est l’un des premiers à avoir alerté sur la dégradation rapide des sols et sur la mort de leur capacité de production à cause de la monoculture intensive et industrielle et de l’excès de l’utilisation d’intrants chimiques. Il contribue aussi au développement de techniques alternatives dont l’efficacité est avérée, et qui demandent une bonne technicité et une connaissance du fonctionnement écologique des sols que ne possèdent plus les jeunes diplômés en agronomie. Cultures en transition fait aussi écho à cette sobriété heureuse prônée par Pierre Rabhi, paysan philosophe et inventeur du concept « Oasis en tous lieux », qui défend un mode de société plus respectueux de l’homme et de la terre.
À l’échelle d’un balcon-potager ou à l’échelle de l’agriculture d’un pays tout entier, ces initiatives prouvent qu’une véritable dynamique est en marche et que grâce à elle, les choses peuvent encore changer. Cultures en transition témoigne donc d’un mouvement international né de la capacité de certains à envisager des solutions durables, qu’ils soient experts, agriculteurs ou simplement consommateurs et qui, par leurs réflexions et leurs actions, sont en train de préparer intelligemment et non sans audace le monde de demain.
Un documentaire très bien construit qui appelle chaque citoyen à se mobiliser pour le bien commun.
Cultures en transition (Voices of transition) – Réalisé par Nils Aguilar – Sortie : Avril 2013- Editions Montparnasse. Prix: 15€.
Par Le Barbu et Fabienne Alice Dubois