![[Critique] DVD « Un français » de Diastème, troublant portrait de skinhead et de l’extrême-droite française](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2015/10/unfrançais-753x1024.jpg)
[Critique] DVD « Un français » de Diastème, troublant portrait de skinhead et de l’extrême-droite française
A travers le portrait d’un skinhead en rédemption, parfaitement incarné par Alban Lenoir, le deuxième film de Diastème retrace 20 ans d’histoire de l’extrême droite française. Une entreprise passionnante qui évoque avec minutie les évolutions et les contradictions du mouvement nationaliste en France. A découvrir en DVD.
Extraits du synopsis officiel: Avec ses copains, Braguette, Grand-Guy, Marvin, Marco cogne les Arabes et colle les affiches de l’extrême droite. Jusqu’au moment où il sent que, malgré lui, toute cette haine l’abandonne. Mais comment se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu’on a en soi ? C’est le parcours d’un salaud qui va tenter de devenir quelqu’un de bien.
La sortie confidentielle d’Un Français (sur une soixantaine de copies) avait provoqué la colère de son réalisateur, choqué par la frilosité de nombreux exploitants de salles refusant de projeter le film. La thématique était certes brûlante, mais on ne peut plus d’actualité, au moment où l’extrême droite progresse dans de nombreux pays européens. Diastème a voulu réaliser un film engagé mais équilibré, évitant les effets “choc” et gardant de la mesure. Sans chercher à excuser ni à minimiser, Un Français nous invite à entrer dans la tête d’un jeune homme paumé qui rejoint un groupuscule raciste. Pour échapper à un quotidien sans perspective, Marco s’investit corps et âme au sein de son gang, nourri aux saluts hitlériens et à la haine des arabes, des juifs, des homosexuels, des communistes. Il trouve au sein de sa bande une famille d’adoption qui lui donne un rôle, un statut et de la confiance. Le premier tiers du film nous montre une existence dopée au culte de la virilité, droguée à l’adrénaline des déferlements de haine et de violence. Qui passent de la simple intimidation à la ratonnade pure et dure, au sein d’une meute qui cherche avant tout la bagarre, regroupant des jeunes à la dérive qui ressemblent plus à des hooligans de stades qu’à de véritables idéologues.
En suivant son personnage sur plus de 20 ans, Un Français se propose de suivre l’évolution d’une extrême-droite française pétrie de contradictions. Partant d’une mouvance révolutionnaire ultra-violente, attaquant des immigrés à découvert, en plein jour. Pour devenir un parti politique institutionnalisé devenu respectable aux yeux des médias et de l’opinion publique. Le scénario montre bien cette tension interne d’une extrême droite qui attire à sa base les plus en marge, les exclus radicalisés à la recherche d’une identité. Tout en étant financée et dirigée par des milieux catholiques intégristes, royalistes ou vichystes issus de la bonne société réactionnaire. Deux mondes qui n’ont rien en commun, se méprisent, mais s’unissent autour d’un ennemi commun. Diastème a voulu présenter une issue possible en filmant un personnage principal en rédemption, qui cherche à se désaccoutumer de son addiction à l’alcool, à l’énergie du groupe et aux pulsions de violence qu’il n’arrive plus à contrôler. Son combat intérieur pour ne pas replonger l’oblige à prendre à ses distances avec ses ex-camarades qui restent ses amis mais finiront mal, à l’hôpital, en prison, ou rongés par l’aigreur.
Doté d’un petit budget de moins de 3 millions d’euros, Un français surprend par son ambition, en maîtrisant un scénario complexe multipliant les ellipses et mélangeant les époques pour suivre sur plus de 20 ans l’évolution parallèle de son héros et de la mouvance nationaliste française. Le manque de moyens se ressent par moments, certains seconds rôles manquent de profondeur et le récit n’évite pas quelques raccourcis. Diastème nous captive pourtant avec un film troublant qui en dit beaucoup sur la France d’aujourd’hui.
Un Français, un drame français de Diastème avec Alban Lenoir, durée 1h38, sortie en DVD chez Keep Case le 21 octobre 2015