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Deux jours au Festival Premiers Plans d’Angers : Première Journée

Deux jours au Festival Premiers Plans d’Angers : Première Journée

28 January 2022 | PAR Yohan Haddad

Pour sa 34ème édition, Toute la Culture s’est rendu au Festival Premiers Plans d’Angers, qui récompense les premiers films de réalisateurs et réalisatrices. Au programme de ce jeudi 27 janvier, une histoire d’amour contrariée, un documentaire intimiste et un voyage dans les airs aux côtés d’Adèle Exarchopoulos…

MoneyBoys, la luxure face à l’usure

Présenté dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, Moneyboys est un film « multinationale », en compétition à Premiers Plans, relatant le destin d’un jeune homme confronté à des peines de coeur et à des doutes sur sa destinée, tout en se prostituant à des hommes pour tenter d’y trouver un sens et de gagner de l’argent « facile ». Un visage juvénile confronté à des problèmes d’adultes, tel est le vecteur d’une sexualité libertaire, au coeur d’une nation qui ne l’est pas réellement. Sous une aura esthétique soignée, le film mêle clubs noyés sous les néons et habitats naturels, tout en contraste, comme ceux qui illustrent la vie de Fei, personnage central du récit.

Si le film est très beau, sa capacité à s’accrocher à son personnage y est plus difficile. Il semble constamment négligé, pauvrement défini comme ses autres amis. C’est quand Fei confronte ses démons familiaux qu’il est le plus touchant, figé dans la nature florissante de la maison de son père, loin des chambres aseptisées qui définissent sa vie de gigolo. Le réalisateur fait le choix de s’attarder sur la sexualité des personnages, délaissant les sentiments au profit d’un récit qui s’étiole progressivement et qui finit par bloquer ses relations, les laissant au point mort. Malgré une évocation honnête de la prostitution et de l’homosexualité, elle est sur-sexualisée en permanence, traitant ses personnages comme de simples bêtes avides de chair masculine.

Soy Libre – « Une vie libre, une vie meilleure »

Parmi les ovnis qui parcourent la section « Diagonales » du Festival, le film de Laure Portier surprend. Après avoir filmé sa grand-mère dans un documentaire précédent intitulé Dans l’Oeil du Chien, la cinéaste continue ses portraits familiaux en filmant cette fois-ci son frère. Néanmoins, la cinéaste écarte dès les premières minutes de son film cette linéarité classique que peut avoir un film documentaire. Arnaud, le bien-nommé frère, est ici filmé sans concession, toujours sur le pouce. Peu importe si la caméra cadre correctement, c’est sa voix qui porte. Celle-ci n’est certes pas toujours compréhensible, mais elle est constamment bouleversante, dans tous les sens du terme. Bouleversante tout d’abord parce qu’elle émet une pure vérité. Arnaud raconte toujours avec sincérité les traumatismes de son enfance et de son adolescence. Sa voix est un faisceau de véracité.

Il prend lui aussi à certains instants la caméra pour cadrer au mieux cet état d’esprit. Elle le suit sur plusieurs années et dans différents pays, entre la France, l’Espagne et le Pérou, circulant à travers les nations comme pour prouver quelque chose à lui-même. Durant toute la première partie du film, il répète qu’il souhaite partir, avant d’avancer l’idée de s’installer, de se poser, d’avoir des enfants, comme il l’indique à sa grand-mère dans une séquence de pure intimité et d’émotion. Arnaud est un homme plein de contradiction, vivant entre aigreur et euphorie, étant à la fois un dur à cuire et un jeune adulte à fleur de peau. Il est à l’image d’un film à chaque moment touchant et toujours sincère. Une belle réussite, qui malgré sa durée relativement courte (1h18), réussit avec brio à analyser tous les traits d’une figure humaine éminemment complexe.

Rien à foutre – Au dessus-désert

Dans le flot d’avant-premières du Festival, le film d’ Emmanuel Marre et Julie Lecoustre était l’un des plus attendus. Présenté à la Semaine de la Critique du dernier Festival de Cannes, le film nous présente la vie mouvementée, du moins en apparence, de Cassandre, hôtesse de l’air qui «présente bien » selon les dires de ses collègues. Elle va tenter tout au long du film de trouver un raisonnement à sa vie entre les vols et les pays.

Le duo de réalisateurs fait de leur protagoniste une héroïne de rom-com américanisée à première vue. Elle va de rencontres en rencontres (amicales comme sexuelles) plus ou moins insignifiantes, censées redonner goût à une vie où les heures et les lieux restent éternellement imprécis, Cette idée est plutôt bien intégrée dans les premiers moments du récit, notamment grâce au charisme indubitable d’Adèle Exarchopoulos, passant en un clin d’oeil du tailleur d’hôtesse de l’air au combo jogging-t-shirt, soulignant les traits d’une intériorité meurtrie, éloignée de sa famille après un drame. Ces révélations vont déclencher l’autre film qui habite Rien à foutre : les retrouvailles entre Cassandre et les membres de sa famille. La substance je-m’en-foutiste du personnage perd alors tout son intérêt, au profit d’un enchaînement de séquences familiales sans véritable cohérence, privilégiant le côté « naturel » du dialogue. La légereté tragico-comique du « premier film » est alors complètement aspiré. Rien à foutre devient dès lors un film de facture classique, qui comme son personnage, ne sait pas vraiment où aller.

Visuel : Affiche du film Moneyboys

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Yohan Haddad

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