Coup d’éclat: Catherine Frot retrouve l’univers du polar social
Le deuxième long métrage de José Alcala est un polar noir inscrit dans un contexte social ultra réaliste. La critique de ce film de genre difficile qui saura peut être atteindre un public plus large grâce à la présence de la toujours étonnante Catherine Frot.
Synopsis officiel: A Sète, Fabienne Bourrier, Capitaine de police, passe la majeure partie de son temps à traquer les sans-papiers et clandestins. Sa routine policière est perturbée par la mort d’Olga, une jeune prostituée. Un suicide apparemment. Mais Olga était traquée et avait un fils, Ilan. Animée par un sentiment de compassion qui la surprend, Fabienne part sur les traces de l’enfant disparu.
Catherine Frot est une actrice à part dans le cinéma français, assurant sur ses seules épaules le succès public de ses films. Une icône populaire dont l’étrange décalage a permis de nouer un lien particulier avec le public. Cette place à part lui offre une grande liberté, dans des personnages souvent éloignés de la Yolande d’Un air de famille (son “tube” comme elle l’appelle). Coup d’éclat appartient au côté Cavale (de Lucas Belvaux) de sa filmographie, celui des films de genre plus intimistes. Sans concession grand public, le nouvel opus du documentariste José Alcala est un vrai film noir, minimaliste et souvent désespéré. Les décors sont à l’origine de l’identité du film, marqué par ses entrepôts désaffectés, ses usines démantelées et ses ombres nocturnes.
Catherine Frot incarne une commissaire désabusée qui déambule dans cet univers difficile. Son personnage évoque son rôle dans l’empreinte de l’ange où l’obsession virale de retrouver un enfant était au centre du scénario. Le passé de Fabienne est évoqué avec subtilité à travers quelques détails disséminés le long du film. José Alcala est cependant plus intéressé par son présent et sa transformation lors d’une enquête qui va la faire sortir de sa réserve aigrie. Coup d’éclat fait penser à une certaine frange du cinéma franco-belge. Le méconnu et pourtant formidable Adieu Gary qui traitait de la fin de l’ère ouvrière dans une petite ville industrielle sinistrée. Les œuvres sociales arides des Dardenne et de Lucas Belveaux, forcément, mais aussi l’atmosphère poisseuse des polars de Guillaume Nicloux (Cette femme là). En toile de fond, José Alcala imprime une réalité chargée, les reconduites à la frontière, l’économie de la prostitution et la mise au banc des ouvriers où le polar sert avant tout de fil conducteur.
La faiblesse du film tient peut être de son incapacité à choisir son camp, entre documentaire et fiction. La multiplication des thèmes sociaux abordés n’est vue qu’à travers les yeux de Fabienne et ne font donc partie que d’un décor quotidien. L’influence du documentaire souffre aussi parfois du mélange avec les codes du polar et du suspense claustrophobe qui entrainent quelques approximations dans les dialogues et certaines invraisemblances scénaristiques. José Alcala n’est pas le plus à l’aise avec le genre policier mais il nous maintient dans son histoire grâce à une Catherine Frot impliquée qui s’efface derrière son rôle, travaillant sur l’instinct du personnage. Le choix de se focaliser sur l’émotion d’une femme et sa renaissance ainsi que la qualité des seconds rôles (excellent Karim Seghair) permet de maintenir assez de tension pour conclure son film de la plus belle des manières.
Souffrant d’un rythme en dent de scie pendant ses deux premiers tiers, le coup d’éclat de José Alcala sait en fait où il va. Les maladresses gênantes du scénario et de l’enquête s’effacent devant une scène finale lumineuse. Peut être naïve, cette rébellion humaniste contre un système écrasant ne laisse pas de marbre. On se surprend alors à rester pensif lors du générique final accompagné par les très beaux accords de guitare tendus du compositeur Jean-Pierre Ronda. José Alcala a pu réaliser le film qu’il voulait, à fleur de peau, tout en étant très conscient du monde environnant. Ne s’enfermant jamais dans un misérabilisme à la Biutiful d’Inarritu, Coup d’éclat est un film très imparfait mais beaucoup moins anodin qu’il ne le laisse paraître au premier abord.
Gilles Hérail
Coup d’éclat, un polar social de José Alcala avec Catherine Frot, Karim Seghai et Marie Raynal, 1h30, sortie le 27 avril 2011
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