Cell 211, le film carcéral espagnol aux 8 Goya en DVD
Les geôles espagnoles ne sont plus ce qu’elles étaient. Trafics de drogue, d’armes, collaborations avec l’autorité… Non, en fait rien n’a changé. Les détenus vivent dans des conditions déplorables, les gardiens sont plus brutaux que de rigueur, et les révoltes ont un goût de désespoir. Pour Daniel Monzón, reprendre le roman à succès de Francisco Pérez Gandul sur l’univers pénitentiaire était à la fois un défi et une pulsion irrésistible. Ce thriller brutal et puissant sort demain en DVD, pour ceux qui l’auraient raté.
Un métier ingrat que celui de gardien de prison, certes. Et comme dans tous les métiers, rendre des comptes à un supérieur et ménager ses ouailles, même si elles purgent des peines plus longues et plus méritées qu’elles n’en ont l’air à l’écran, est un défi quotidien. C’est pourtant le destin de Juan Oliver (Alberto Ammann), jeune marié et futur papa, qui débutera dans la prison de Zamora demain. Mais c’est aujourd’hui qu’il se rend sur son lieu de travail, pour faire bonne impression, pour se familiariser avec l’environnement carcéral… Ou pour démontrer que l’expression “au mauvais endroit au mauvais moment” a encore de beaux jours devant elle.
Quelques jours plus tôt, le détenu de la cellule 211 a mis fin à ses jours, par désespoir : aucun gardien n’a voulu l’écouter, malgré sa tumeur au cerveau de la taille d’un œuf. C’est dans cette cellule vide que se réfugiera Juan lorsqu’une révolte éclate au sein de la prison. Le détenu Malamadre (Luis Tosar), leader charismatique des prisonniers de Zamora, a l’intention de faire évoluer le traitement qui leur est réservé, et a trouvé un moyen de pression redoutable : la prise d’otages de trois assassins de l’ETA, protégés dans un bâtiment sécurisé par un accord entre le gouvernement basque et la couronne espagnole.
Juan se retrouve prisonnier de ce guêpier et n’a d’autre choix que de se faire passer pour un nouveau détenu. Pris entre deux feux, et tentant de gérer une situation d’autant plus explosive que la nouvelle s’est propagée aux autres prisons d’Espagne, il négocie auprès de Malamadre une place privilégiée dans la rébellion, son intelligence et son instinct de survie se trouvant décuplés par cette crise complètement inattendue.
Sanglant, oppressant, impitoyable, Cell 211 est tout sauf un huis clos : les réactions des familles des détenus se font sentir immédiatement à travers une manifestation devant la prison où se retrouvera impliquée la jeune femme enceinte de Juan, Elena (Marta Etura). Les contacts difficiles mais néanmoins présents entre la prison et l’extérieur, et entre la prison et les gardiens, secouent à chaque seconde un peu plus la poudrière carcérale faite de gangs et d’intérêts conflictuels malgré leur apparente unité face aux gardiens.
Que fait l’ETA dans cet excellent film ? Une figuration somme toute indispensable, lorsque l’on connaît le contexte politique de l’Espagne : une trêve fragile, une peur du terrorisme ici ravivée par la perspective de l’exécution de trois protégés de la communauté la plus autonome du pays, et un malaise contemporain dû à une violence dissimulée par les médias et les autorités. Daniel Monzón a dévoré cette actualité qui le hantait, pour réaliser cette poignante œuvre (tournée dans une prison désaffectée) qui a saisi toute l’Espagne. La morale de ce film, comme de beaucoup d’autres, serait : n’allez pas en prison, on n’en sort vraiment jamais.