![[Cannes, Un certain regard] « La Belle Jeunesse » très amochée de Jaime Rosales](https://toutelaculture.com/wp-content/uploads/2014/05/La-Belle-Jeunesse-2-640x427.jpg)
[Cannes, Un certain regard] « La Belle Jeunesse » très amochée de Jaime Rosales
Sans plus aucune volonté: telle est la jeunesse que dépeint le cinéaste, talentueux représentant de la nouvelle vague de réalisateurs espagnols, dans son dernier film. Avec des problèmes, mais sans débrouille à proposer pour les contrer. Avec un humour qui s’est fait la malle. Le tour de force, dès lors, est de nous les rendre proches, ces jeunes de vingt ans déjà passés du côté sombre. Chose faite, dans La Belle Jeunesse: malgré l’absence de musique, le scénario un peu déjà vu… on suit, et on tient.
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A la fin de La Belle Jeunesse, Natalia et Carlos, les deux protagonistes, n’ont pas encore trente ans. Mis à part un bébé, ils n’ont rien fait. Et l’avenir ne leur sourit pas. Les pires pratiques ne les effraient plus: elles sont devenues leur quotidien.
Pendant une heure quarante, on les a suivis. Qu’avait-elle de si marquant, leur histoire ? Vraiment pas grand-chose. Des parents qui ne les ont pas assez poussés, dans le meilleur des cas. Une vie dans un pays en crise, où les petits boulots ne sont plus à pourvoir : « partir en Allemagne » est devenu le maître-mot. Des projets avortés, parfois d’avance : les rêves de camionnette de Carlos, par exemple. Ah si, tiens, une originalité: une fois, ils se sont faits filmer pour un porno à petit budget, à la sauvage. On les voit se présenter, sous forme de « casting »: ils sont rigolards, à l’aise, naturels. Plus rien n’a d’importance, déjà. D’où le bébé.
D’où vient qu’avec cette sinistrose terrible, Jaime Rosales parvienne à nous tenir intéressés ? De son talent de réalisateur, tout simplement. Grâce à sa façon de filmer, très proche des visages, avec un usage du champ/contrechamp qui « piège », qui capte les moments critiques, il atteint au réel, recréé pourtant. Le scénario aligne pas mal de figures imposées, déjà vues ailleurs. Tout demeure obstinément gris à l’image : la mère obèse et infirme de Carlos, les murs des appartements, le climat… Jusqu’aux photos, messages MSN et extraits de jeux électroniques qui font parfois office d’ellipses. Ce cinquième film à sortir sur nos écrans n’est sans doute pas le meilleur de Rosales, dans la mesure où l’incursion de l’extraordinaire n’y bouleverse pas assez la réalité. Qu’importe : on suit celle-ci, intéressés. Même si on se doute déjà de l’issue, tout en espérant qu’elle change…
La Belle Jeunesse, un film de Jaime Rosales, avec Carlos Rodriguez, Inma Nieto, Fernando Barona, Juanma Calderon, Patricia Mendy, Miguel Gardiola. Drame espagnol, 1h43.
Visuels: © Fresdeval Films SI