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Cannes, jour 9 : Elvis is King, Claire Denis et Saeed Roustaee en compétition

Cannes, jour 9 : Elvis is King, Claire Denis et Saeed Roustaee en compétition

26 May 2022 | PAR Yaël Hirsch

Alors que quelques nuages passent sur la Croisette, le rythme décélère un peu et ce mercredi 25 mai est le soir du palmarès de la Semaine de la critique, tandis que le Elvis de Baz Luhrmann passionne les festivaliers. 

A 14h, Maha Haj était de retour en section Un Certain regard pour le film Mediterranean fever. Histoire de rencontre entre deux hommes arabo-israéliens, l’un écrivain aussi rangé que neurasthénique, l’autre voisin “bigger than life” mais complètement truand,  Mediterranean fever est une comédie bien jouée, qui place du cadre et sait en sortir. L’intime est support de message politique pour la réalisatrice qui a dédié la première séance du film en Debussy à  Shireen Abu Akleh, reporter pour Al-Jazeera à Jérusalem, assassinée il y a quelques jours d’une bal dans la tête à Jénine. 

Détour par la sélection projetée dans le cadre de la Semaine de la Critique, ensuite, à 15h, avec la projection de La Jauria. Un film qui prend place dans une forêt tropicale de Colombie, où des jeunes sont rassemblés, dans le cadre d’un programme de “réinsertion” pour jeunes délinquants ou jeunes criminels. Deux d’entre eux sont liés à une histoire que ceux qui les encadrent aimeraient bien résoudre… Ce long-métrage signé par Andrés Ramirez Pulido fascine dès lors qu’il envoie ses personnages chercher des réponses, ou des éléments d’enquête, dans le cadre naturel qui les environne : on sent alors que celui-ci, fait de plantes, de rocs et de terre, est comme “hanté”. On apprendra le soir même que La Jauria est le gagnant du Grand Prix de la section Semaine de la critique, pour l’année 2022, alors que la programmation sous cette bannière-ci achève d’être projetée.

A 15h45, en salle Bazin, l’ambiance restait intime et le climat carrément familial pour suivre le nouveau film très attendu du réalisateur de la Loi de Téhéran, Saeed Roustaee. Mettant en scène une fratrie dysfonctionnelle dont le boss est la seule femme, Leila’s brothers est une comédie qui naturalise un bad trip des frères Safdie ou qui transpose en Iran Affreux, sales et méchants. Le jeune réalisateur ne nous embarque pas tout à fait dans son western familial un peu trop grossier et hésitant. 

A 19h45, tandis que la Semaine de la Critique annonçait son palmarès, Thierry Frémaux se réjouissait grandement de présenter, hors compétition, une comédie déjantée de Paros Koutras, dont on avait adoré Xenia, présenté en 2014 en section Un certain regard (lire notre article). Mais terrible déception avec Dodo: malgré une équipe de film flamboyante (dont Samragda Karydi dans son propre rôle de hit girl de la télé devenue femme mûre) et un pitch alléchant (deux stars désargentées marient leur fille quand un dodo fait apparition dans le jardin de leur propriété hypothéquée) le propos colle trop à une téléréalité qui se veut glam’ pour que le dodo déploie vraiment ses ailes d’ “animal queer”. 

On s’est arrêté aussi à 21h30 du côté de l’espace Cinéma de la plage, afin de voir Christophe définitivement, documentaire musical sur le chanteur à la moustache grisonnante et aux lunettes noires, mort en 2020. Fait intéressant : le film se concentre sur une période située en 2002, alors que l’artiste s’apprêtait à refaire des concerts, suite à la sortie de son album très remarqué Comm’si la Terre penchait. Un portrait plaisant, entre phases musicales bien planantes et instants où Christophe se livre sur ses passions ou ses habitudes.

A 22h30, montée des marches pour l’équipe de The stars at noon de Claire Denis, avec un couple de jeunes premiers à se damner. Dans cette fable sombre dans une dictature d’amérique centrale, Margaret Qualley; la fille d’Andie McDowell crève littéralement l’écran en journaliste américaine perdue, alcoolique et très sensuelle. Face à elle, rien de moins que Monsieur Taylor Swift, Joe Alwyn, qui a des airs royaux à la Leonardo Di Caprio et un personnage qui perd son flegme britannique. Brouillon et un peu brouillé,  The stars at noon développe néanmoins une métaphore fascinante sur l’état d’urgence et les dangers qu’encourt la démocratie quand on met et enlève son masque (et d’ailleurs ça marche aussi pour sa veste ou sa culotte) de manière erratique. Entre Fitzcarraldo, Missing et Le dernier tango à Paris, c’est follement seventies et très sensuel.

La fête de la fin de la Semaine de la Critique a eu lieu à la Villa Noailles, où les festivaliers ont dansé et discuté des… films!.

 

visuels (c) YH

 

 

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Yaël Hirsch
Co-responsable de la rédaction, Yaël est journaliste (carte de presse n° 116976), docteure en sciences-politiques, chargée de cours à Sciences-Po Paris dont elle est diplômée et titulaire d’un DEA en littérature comparée à la Sorbonne. Elle écrit dans toutes les rubriques, avec un fort accent sur les livres et les expositions. Contact : [email protected]

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