Cannes 2022, Compétition : “Stars at Noon”, les étreintes haletantes de Claire Denis
La réalisatrice française Claire Denis n’était pas revenue en compétition depuis 1988, même si elle avait présenté des œuvres dans d’autres sections. Avec un duo de jeunes premiers internationaux (Margaret Qualley et Joe Alwyn au lieu de Robert Pattinson), Stars at Noon louche vers les années 1970 pour nous proposer de folles étreinte sur fond de junte d’Amérique centrale. Incendiaire.
Jeune-fille partage chambre d’hôtel…
Sauvage et décidée, Trish (incandescente Margaret Qualley) arpente les rues d’une ville d’Amérique centrale sous protection militaire à la veille d’élections. Il lui faut moins de temps qu’un Sprite bu au McDo pour se retrouver nue avec un militaire dont on apprend qu’il lui a subtilisé sa carte de presse et ses papiers d’identité. Un taxi et un sac de monnaie locale plus tard, la voici à l’hôtel chic et américain du bled, à boire un rhum au bar, où elle séduit un jeune anglais flegmatique (Joe Alwyn). Au lit, ça a l’air bien mieux, sauf que pas mal d’ennuis sont à la clé…
Eros et Thanatos
Course poursuite en nage d’un couple passionnel dans les rues d’une ville en état d’urgence, Stars at Noon nous maintient scotchés par ses visages, ses corps et ses mouvements de caméra. Il y a quelque chose de très seventies dans cette fable sombre située dans une dictature d’Amérique centrale où Margaret Qualley, la fille d’Andie McDowell, crève littéralement l’écran, mais pas sans faire penser à la Charlotte Rampling du Portier de Nuit de Liliana Cavani. Il y a à la fois un peu de Fitzcarraldo, de Missing et du Dernier Tango à Paris dans Stars at Noon, et le sexe selon Claire Denis est cru, comme un contrepoids désespéré à une mort (ou une inanité) imminente. Des étreintes existentielles, donc, faute, pour les personnages, d’avoir des boussoles politiques et morales en état de fonctionner.
Politique des corps
Le regard reste néanmoins « féminin », en ce sens que la liberté totale est bien partagée entre les deux héros, y compris chez l’héroïne quand elle se vend et qu’aucun plan n’est réellement cliché. Cette grammaire des corps intime et inventive s’accorde avec des apparitions de guests très agréables, John C. Reilly en visio ou Benny Safdie en agent de la CIA. Si la somme de ces aventures est assez brouillonne, Stars at Noon développe une métaphore fascinante sur l’état d’urgence et les dangers qu’encourt la démocratie quand on met son masque et qu’on l’enlève (et d’ailleurs, ça marche aussi pour sa veste ou sa culotte) de manière erratique…
Stars at Noon, de Claire Denis, avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, 135 min, France, en compétition.
visuel (c) Curiosa Films / Ad Vitam