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Cannes 2023 : heureuse Palme pour Justine Triet, autres choix moins aimés

Cannes 2023 : heureuse Palme pour Justine Triet, autres choix moins aimés

28 May 2023 | PAR Geoffrey Nabavian

On est satisfaits de voir le travail de la très douée Justine Triet sacré. D’autres films sont distingués au final avec des prix pouvant sembler mal remis.

À l’issue du Festival de Cannes 2023, c’est Anatomie d’une chute de Justine Triet qui gagne la Palme d’or. Au-delà de sa forme et de son sujet, ce film de procès auscultant le couple, extrêmement réussi, est surtout l’occasion de voir bien sacrée une réalisatrice très douée, avec un point de vue dans sa manière de diriger, et une capacité à partir naviguer dans une foule d’eaux scénaristiques en un même film tout en ne perdant pas sa direction. Avec notamment Sibyl au nombre de ses réussites. La suite sans doute aussi d’une période qui voit les femmes cinéastes bénéficier de la reconnaissance des jurys conviés au festival et être estimées : on se rappelle que c’était Julia Ducournau qui était repartie gagnante en 2021. Sinon, Anatomie d’une chute était effectivement sur toutes les lèvres pendant le temps du Festival en 2023, et des heurts politiques agitent l’après-remise des prix, Justine Triet ayant critiqué entre autres le néolibéralisme du gouvernement français et s’étant vue répondre par la ministre Rima Abdul Malak que le système du financement du cinéma en France continuait à permettre une diversité unique.

À côté, on peut juger que certains films ont gagné leur droit de présence mais ont un prix pas idéalement attribué. Fallait-il récompenser spécialement Kôji Yakusho, Prix d’interprétation masculine pour Perfect Days ? Une décision pas injustifiée du tout, mais. C’est que c’est aussi la mise en scène, et le travail sur la photographie et le montage – dirigés respectivement par Toni Froschhammer et Franz Lustig – qui lui permettent de briller, en homme tranquille qui nettoie les toilettes à Tokyo et a une vie calme et belle. Un Prix du jury n’aurait-il pas davantage convenu donc, pour ce film au final plaisant ? La réflexion est la même pour La Passion de Dodin Bouffant. Mais en plus tranché. Pourquoi Prix de la mise en scène, se demande-t-on ? On peut juger que celle du film, due à Tran Anh Hung, est sans génie et sans point de vue. C’est la combinaison des talents, ici, qui permet au long-métrage d’opérer une peinture convaincante d’un temps passé, où s’activent cuisiniers géniaux. C’est notamment le montage de Mario Battistel et l’équipe qu’il dirige qui lui donne le rythme adéquat pour. Ici de même, on aurait davantage opté pour un Prix du jury. Cette récompense-ci va au final aux Feuilles mortes, un film qui ne surprend pas du tout si l’on connaît déjà l’univers du finlandais Aki Kaurismäki. Question de goût : certains se sentent très touchés par cette rencontre entre deux êtres perdus.

Et puis, il y a le Prix du scénario, qui va à Monster. Yuji Sakamoto y livre une trame qu’on peut juger trop inutilement tarabiscotée – avec pour héros deux écoliers et leur entourage compliqué – et qui finit par mettre à distance un sujet pourtant fort. On aurait peut-être davantage donné à ce long-métrage d’Hirokazu Kore-eda le Prix d’interprétation féminine, qui serait allé à son actrice splendide, Sakura Andô. Un autre titre pas très mémorable en tout cas – mais peut-être fort à montrer dans le Japon d’aujourd’hui – pour une sélection de concurrents pour la Palme dans laquelle pas mal de réalisateurs  faisaient ce qu’ils savaient faire avant toute chose.

Restent aussi bien entendu le Prix d’interprétation féminine, allé à Merve Dizdar, l’actrice jouant une femme professeure abîmée dans le film turc Les Herbes sèches, qu’on a pu trouver trop maîtrisé par son réalisateur, et le Grand Prix, allé à The zone of interest, de Jonathan Glazer. Autre film sur toutes les lèvres pendant le temps du Festival, très réussi aussi, qui transpose le livre de Martin Amis centré sur le commandant d’Auschwitz et sa famille, à deux pas de l’horreur.

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Visuel : Anatomie d’une chute @ 2023 Les Films Pelléas / Les Films de Pierre  

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Geoffrey Nabavian
Parallèlement à ses études littéraires : prépa Lettres (hypokhâgne et khâgne) / Master 2 de Littératures françaises à Paris IV-Sorbonne, avec Mention Bien, Geoffrey Nabavian a suivi des formations dans la culture et l’art. Quatre ans de formation de comédien (Conservatoires, Cours Florent, stages avec Célie Pauthe, François Verret, Stanislas Nordey, Sandrine Lanno) ; stage avec Geneviève Dichamp et le Théâtre A. Dumas de Saint-Germain (rédacteur, aide programmation et relations extérieures) ; stage avec la compagnie théâtrale Ultima Chamada (Paris) : assistant mise en scène (Pour un oui ou pour un non, création 2013), chargé de communication et de production internationale. Il a rédigé deux mémoires, l'un sur la violence des spectacles à succès lors des Festivals d'Avignon 2010 à 2012, l'autre sur les adaptations anti-cinématographiques de textes littéraires français tournées par Danièle Huillet et Jean-Marie Straub. Il écrit désormais comme journaliste sur le théâtre contemporain et le cinéma, avec un goût pour faire découvrir des artistes moins connus du grand public. A ce titre, il couvre les festivals de Cannes, d'Avignon, et aussi l'Etrange Festival, les Francophonies en Limousin, l'Arras Film Festival. CONTACT : [email protected] / https://twitter.com/geoffreynabavia

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