
Cannes 2023, Compétition : The Old Oak, un Ken Loach mélancolique qui y croit encore
Un nouveau (dernier ?) drame social avec les bons ingrédients loachiens habituels, de la justesse, et davantage d’ombre que d’habitude.
TJ tient le bar d’une petite ville britannique de bord de mer. Il n’y a quasiment personne dedans, à part quelques habitués qui viennent y cracher leur rage. Des réfugiés arabes de Syrie arrivent dans cette localité. Leur intégration est bien entendu difficile. Mais progressivement, TJ va les fréquenter, puis rouvrir l’arrière-salle du bar pour en faire un espace de repas solidaires, pour les pauvres de la ville comme les réfugiés. Un espace qui va retrouver son rôle de l’époque des grèves de mineurs.
Il n’a pas un scénario si original, ce nouvel opus de Ken Loach. Qu’importe puisque le cinéaste fait toujours montre de cet art précieux qu’il a de diriger magnifiquement les interprètes qu’il choisit, et de faire en fait surgir d’eux et de leurs vies la trame de son long-métrage. On apprécie encore, d’autre part, sa manière de couper ses séquences bien au bon moment, afin de laisser davantage durer les séquences émouvantes que celles qui pourraient tomber dans le démonstratif. C’est davantage le quotidien et ses discussions qui intéressent la caméra. L’aspect engagé se niche dans cet angle-ci. On constate également que le réalisateur connaît encore la nuance, côté traitement des personnages.
Le plus, au sein de ce long-métrage-ci, est la mélancolie et l’ombre qui s’invitent au sein des images. Elles paraissent plus présentes que dans ses derniers travaux. On sent qu’elles viennent peut-être rappeler, par leur présence, à quel point le découragement guette. Et amène les idées racistes et haineuses à envahir les têtes, dans la petite ville où se passe le récit. Les pointes d’espoir n’en ressortent que de plus belle. Et face par exemple à la confession de TJ (superbe Dave Turner, en ours fatigué) devant Yara (Ebla Mari, si juste elle aussi), on se dit que c’est peut-être le réalisateur lui-même qui se confie, qui parle d’idées de suicide. Une impression suggérée par la durée de cette séquence, qui irrigue, au lieu d’insister. Une scène où Loach parle peut-être en son nom, donc, mais qui touche à l’universel, encore, malgré tout. Et un film qui témoigne au final d’un art savant toujours vivace pour doser les ingrédients.
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Visuel : © SIXTEEN OAK LIMITED, WHY NOT PRODUCTIONS