
Cannes 2023, Compétition : Les Filles d’Olfa, dure introspection en demi-teinte
Plongeant dans un sujet fort et essentiel tout autant que tragique, l’excellente réalisatrice Kaouther Ben Hania donne un film où l’on perçoit quelques défauts.
Ce long-métrage n’est pas un documentaire. Il se met en prise avec de vrais événements : la perte au sein d’une famille arabe des deux filles aînées, parties faire la “guerre sainte” en Libye. Le but de cette démarche étant de regarder en face les blessures pour comprendre. Cependant, des actrices sont convoquées pour incarner les deux disparues, et d’autres interprètes prennent le relai des membres restantes de ladite famille dans les scènes “trop dures”.
L’histoire d’Olfa et de ses quatre filles reste jalonnée de grands instants difficiles. Désir des hommes, poids des traditions, absence de père : de nombreux sujets à explorer, afin de comprendre au final le départ des deux aînées. L’excellente réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (La Belle et la Meute, L’Homme qui a vendu sa peau) l’ausculte dans l’ordre chronologique, tout en laissant ses interprètes, et l’imprévu, perturber un peu sa démarche.
Au final, on a cependant, malheureusement, l’impression de s’approcher de la vérité de cette histoire que par intermittences. Déjà, on peut juger la musique du film un peu envahissante et pas forcément utile. On peut trouver qu’elle souligne quelque peu, au lieu d’accompagner.
Ensuite, on a parfois la sensation que la part d’imprévue laissée, nécessaire en soi dans une telle démarche, amène le film à manquer de tenue au final. On peut trouver que trop de séquences apparaissent comme des “scènes de coulisses”, sans enjeu. Sans enjeu autre, bien sûr, que de laisser respirer interprètes et véritables personnes en train de confier leurs existences. Des instants donc nécessaires mais peut-être trop présents au sein de la version finale. On aurait bien vu un montage plus sec et serré.
Il n’empêche que le film sait laisser advenir, via sa forme, d‘intense instants dans lesquels les émotions sortent malgré elles. Avec parfois, de grandes choses à affronter, enfin dites. En prime, et c’est une qualité précieuse, il n’explique pas tout à outrance. La bonne figure que s’échine à faire Olfa, son sourire hantant, et ce malgré tout le malheur, demeurent un mystère au final. Et ce n’est peut-être pas plus mal.
Le Festival de Cannes 2023 continue jusqu’au 27 mai.
Retrouvez tous les films du Festival dans notre dossier Cannes 2023
*
Visuel : affiche des Filles d’Olfa © Silenzio (création par Florent Jarroir)